Phénomène n La campagne de tonte de la laine bat son plein à M'sila, au moyen d'un instrument traditionnel que les innovations technologiques ne sont pas parvenues à détrôner, le djalm en l'occurrence. La campagne de tonte du bétail coïncide avec la fin des grands froids et l'arrivée du printemps, période durant laquelle l'animal peut se passer de son dense manteau de laine dans cette région au climat continental glacial en hiver et caniculaire en été. L'utilisation du djalm, une sorte de ciseau en forme de V, exige une certaine dextérité et un «mécanisme» aux normes. Parmi les petites astuces dont il faut tenir compte avant toute utilisation, l'obligation de frotter les lames avec de la graisse animale, et «surtout pas de graisse de pétrole pour éviter qu'elles ne glissent», insistent les connaisseurs. Ne coûtant pas cher, le djalm est souvent jeté après chaque campagne de tonte, mais certains éleveurs le conservent dans des étuis de tissu soigneusement attachés. Les éleveurs de moutons ne sont pas tous d'adroits tondeurs et seuls les plus âgés sont suffisamment habiles pour cette pratique ancestrale. Dans la région du Hodna, de menus détails fournis par les plus anciens apprendront au profane, par exemple, qu'on commence à tondre l'animal à partir des pattes et on termine par le cou. Tondre dans le sens contraire serait difficile et plus lent, avertissent les djazzaz, ces tondeurs professionnels. Ces connaissances ne s'acquièrent que par l'expérience, affirment-ils. De moins en moins nombreux, les djazzaz sont toujours très demandés. Leur maîtrise se mesure à l'aune du nombre de blessures faites sur la peau de la brebis. Si ce nombre est nul ou insignifiant, l'éleveur saura qu'il a affaire à un véritable professionnel. Autrement, il lui faudra poursuivre sa quête de bons djazzaz pour éviter de trop saigner ses bêtes. Les blessures faites aux brebis sont traitées avec de l'huile de cade (el-guetrane) qui, selon les anciens éleveurs, sert à la fois de pansement et d'antiseptique, tout en accélérant la déshydratation de la plaie. Plus rares encore sont les tondeurs de chèvres. Les risques de blessures étant plus élevés en raison de la grande agitation de la bique, contrairement à la brebis. De plus, notent les djazzaz confirmés, la peau de la chèvre est très glissante, ce qui rend délicat la tonte de ses poils (chaâr) utilisés dans le tissage de nombre de produits artisanaux dont ettalis et el-hanbel. Les béliers sont réputés également pour leur agitation excessive pendant la tonte, ce qui accroît les risques de blessures. On apprendra aussi que seuls les propriétaires de troupeaux de plus 30 ovins recourent aux services des tondeurs. En-dessous de ce chiffre, le coût de la tonte dépasserait le prix de vente de la laine, les toisons de trois brebis pesant, en moyenne, un kilogramme. Les bêtes d'une année et moins ne sont pas tondues. Chères, les tondeuses électriques ne sont pratiquement pas utilisées par les éleveurs qui estiment que la tonte n'étant effectuée qu'une fois l'an, l'investissement n'est, à l'évidence, pas rentable.