Parcours n Sylla Rouguiatou est une jeune comédienne guinéenne. Sa passion est le théâtre. Epouse et mère de deux enfants, elle parvient à concilier, harmonieusement, sans complexe, sa carrière professionnelle avec sa vie familiale. InfoSoir : Parlez-nous de votre penchant pour le théâtre. Sylla Rouguiatou : je suis entrée au théâtre en 1987. Avant, j'étais secrétaire de direction. Puis j'ai décidé d'abandonner la fonction publique pour aller faire du théâtre. Pourquoi ? Seulement par amour pour le théâtre. Qu'est-ce qui vous y a attirée ? Beaucoup de choses ont concouru pour que je fasse du théâtre et m'investisse dans l'art des planches. Il y a le jeu scénique, celui du personnage et tant d'autres choses. Le théâtre pour moi est un autre monde. Il est éducateur. Ça enseigne sur énormément de choses, telles que la vie, surtout lorsqu'on est encadré, formé et dirigé par un bon metteur en scène. Car un bon metteur en scène est comme un éducateur, un enseignant. Parlez-nous un peu de votre parcours. En résumé, je pratiquais le théâtre amateur, puis en 1992, j'ai intégré le Théâtre national de Guinée. Je suis donc passée d'amateur à professionnel. A partir de 1994, j'ai effectué des tournées en Côte d'Ivoire, au Burkina Faso et dans bien d'autres pays africains. Notre troupe a remporté plusieurs prix et distinctions. Et puis ? Puis, en 1998, je me suis retirée des planches, je suis restée un bon moment sans jouer, et ce, jusqu'à 2007, quand Juliette Hervé Florence Bangora, la directrice de la compagnie Arenk de Guinée, m'a contactée pour jouer dans une création. C'est la pièce Terguia que nous avons jouée et présentée sur les planches du TNA. Je profite de l'occasion pour remercier la directrice qui m'a fait confiance en me proposant de jouer dans la pièce. Comment vivez-vous votre métier de comédienne ? Je le vis difficilement. Mais l'intérêt que je porte au théâtre et mon amour pour l'art des planches ainsi que de tout ce que je fais, font que je reste foncièrement convaincue de ce que je fais, c'est-à-dire j'y crois et j'y tiens. C'est vrai que le problème majeur auquel on est confronté en tant qu'artiste, c'est bien celui du financement de nos créations et du produit théâtral. Mais en dépit de cela, on se bat quand même. Et on s'accroche. On fait preuve de pugnacité, de foi et de volonté. Ce combat donne-t-il un résultat ? Oui. C'est vrai qu'on n'a pas les moyens, qu'on répète dans des petits salons, mais le jour de la représentation, on présente au public un bon spectacle. Interrogée sur son métier de comédienne en tant que femme, Sylla Rouguiatou dit : «Je suis une femme mariée et j'ai deux enfants. J'arrive à concilier les trois fonctions, à m'investir dans mes trois rôles, celui de comédienne, d'épouse et de mère. Après mes tâches ménagères, je vais aux répétitions jusqu'à 18h, et lorsqu'on a un spectacle à préparer, ça peut aller jusqu'à 23h. J'arrive à trouver du temps pour le théâtre, pour mon mari et pour mes enfants.»Et répondant à la question de savoir si en tant que femme être comédienne ne lui pose pas de problème au vu de la société dans laquelle elle vit, Sylla Rouguiatou confie : «Au début, c'est vrai que ça posait problème. Les gens ne comprenaient pas. Etre comédienne, c'est se détruire. Car sachant que nous sommes, en Guinée, une majorité musulmane, aucun père ne veut que sa fille s'expose en public.» Et de poursuivre : «Mais, depuis ces dernières années, les mentalités commencent à changer. Parce que les gens ont commencé à prendre conscience de l'utilité du théâtre et de son rôle dans l'éducation et l'émancipation de la société. Le théâtre éduque.» S'exprimant sur ses choix futurs, Sylla Rouguiatou dit : «Il se peut que je fasse de la mise en scène. Pourquoi pas. Peut-être. En fait, il faut tout faire dans la vie. Il faut toucher à toutes les expériences.» Et de conclure : «Car cela nous permet de nous ouvrir à d'autres pratiques et de nous enrichir. Cela nous aide et dans notre vie quotidienne et dans notre carrière professionnelle. Toutes ces expériences forgent notre personnalité et la rendent riche.»