Résumé de la 138e partie n Tuppence explique à Tommy qu'elle s'était méfiée de Tony Marsdon dès son apparition. C'est pourquoi, elle avait pris la précaution de prévenir Mr Grant... Moi, j'ai toujours été persuadée que vous arriveriez à temps, rétorqua Tuppence. Mais il me fallait absolument me donner de la marge. Si je n'avais pas vu la porte s'ouvrir, j'aurais fait semblant de me mettre à table. Mais ce qui me mettait sur les charbons ardents, c'est que je venais brusquement de comprendre toute l'histoire et que je me rendais compte à quel point j'avais été stupide. — Mais comment est-ce que vous avez compris ? interrogea Tommy. — Petit jars, petite oie, chantonna Tuppence. Quand j'ai dit ça au capitaine Haydock, il est devenu vert. Et pas seulement parce qu'il pouvait croire que je me payais sa tête. Non. J'ai vu tout de suite que, pour lui, cette petite phrase avait un sens bien précis. Et puis il y avait aussi l'expression du visage de cette femme - la dénommée Anna. Elle ressemblait à celle de cette Polonaise. Et c'est à ce moment-là, évidemment, que j'ai pensé au roi Salomon, et que tout est devenu clair. — Répétez ça encore une fois, Tuppence, soupira Tommy, exaspéré, et je vous abattrai moi-même. Enfin, c'est quoi, ce que vous avez compris ? Et, Bon Dieu de bois, qu'est-ce que le roi Salomon vient faire là-dedans ? — Vous vous souvenez de l'Ancien Testament. Deux femmes vinrent trouver le roi Salomon avec un enfant. Chacune des deux disait que l'enfant était à elle, et n'en voulait pas démordre. Alors le roi Salomon décida : «C'est bon. Que l'on coupe l'enfant en deux.» Celle qui n'était pas la mère dit : «Très bien.» Mais la vraie mère dit, elle : «Non. Que l'autre femme prenne l'enfant.» Vous comprenez, elle ne pouvait pas supporter l'idée que l'enfant serait tué. Eh bien ! la nuit où Mrs Sprot a tué la Polonaise, vous avez tous dit que c'était un miracle et qu'elle aurait pu aussi bien tuer Betty. Et, bien sûr, la vérité aurait dû nous sauter aux yeux à ce moment-là. Si Betty avait été son enfant, jamais, au grand jamais, elle n'aurait pris le risque de tirer. Cela veut dire que Betty n'était pas son enfant. Et c'était d'ailleurs la raison pour laquelle il fallait absolument qu'elle abatte l'autre femme. — Pourquoi ? — Parce que, répondit Tuppence d'une voix qui tremblait d'émotion, c'était l'autre femme, la Polonaise, qui était la vraie mère de Betty. La pauvre... Quand elle est arrivée dans ce pays comme réfugiée, sans un sou, elle a considéré comme une bénédiction que Mrs Sprot ait envie d'adopter sa fillette. — Mais pourquoi Mrs Sprot a-t-elle voulu adopter un enfant ? — Camouflage ! Formidable camouflage psychologique... Personne n'irait imaginer qu'une espionne de haut vol entraîne un enfant dans ses activités. C'était ma principale raison pour n'avoir jamais soupçonné Mrs Sprot. Simplement à cause de la petite. Mais la vraie mère de Betty avait un besoin viscéral de son enfant. Elle a fini par découvrir l'adresse de Mrs Sprot, et elle est venue ici. Elle a tourné autour de la maison, en attendant sa chance. Et puis elle a pu s'emparer de Betty et elle l'a emmenée avec elle. (à suivre...)