Inconscience n L'homme et la femme prirent la route. Ils marchèrent longuement puis arrivèrent devant une grande mare pleine de grenouilles. Nous ne quitterons pas la Kabylie, sans évoquer ce conte plaisant, dont nous avons déjà donné une version dans cette série de contes, mais qui est caractéristique de l'humour algérien. Signalons aussi que ce récit nous a été rapporté, avec quelques variantes minimes dans la région de Jijel. En Kabylie le conte s'appelle Becha'chou' ba'ou f lilu, expression qu'on peut traduire par «bêbête sur joujou». Les personnages de ce conte plaisant sont un homme et une femme qui étaient un peu idiots. L'homme s'appelait Cha'chu' et la femme Cha'chu'a. Ils avaient quatre enfants, trois filles, toutes mariées, et un garçon, encore en bas âge. Un jour, Cha'chu'a dit à Cha'chu' : — Voilà longtemps que nous n'avons vu nos filles. Que dirais-tu d'aller leur rendre visite ? Il répondit : — J'allais te le proposer ! Si tu veux nous partirons aujourd'hui même ! Ils prirent la route. Ils marchèrent longuement puis arrivèrent devant une grande mare pleine de grenouilles. Les batraciens croissaient et Cha'chu'a de s'écrier : — Il s'agit de taleb, écoute les réciter le Coran ! Cha'chu' tendit l'oreille et dit : — Effectivement, ce sont des taleb ! Elle lui dit : — Et si nous leur confions notre fils ? Ils lui apprendront à lire. Nous le récupérerons à notre retour. Cha'chu' trouva la proposition bonne. Ils plongèrent le petit dans la mare. Le pauvre se noya aussitôt. Le couple poursuivit sa route et arriva chez la première des filles qui se trouvait être l'aînée. Comme il y avait longtemps qu'elle ne les avait vus, elle les accueillit avec une grande joie. Elle discuta avec eux, puis elle dit à sa mère. — Mère chérie, voilà longtemps que je veux sortir, pour une affaire, mais je n'ose pas, de peur que mes belles-sœurs, profitant de mon absence, n'entrent à l'improviste et ne brouillent mon tissage. Sa mère la rassura. — Tu peux partir tranquille, je garderai ton tissage La fille sortit, rassurée. Cha'chu'a alla aussitôt voir le tissage. Elle appela Cha'chu' et lui dit. — Vois comme ce tissage est tendu... Notre fille a trop tiré sur les fils de la chaîne, il faut les relâcher un peu ! Elle se saisit d'un couteau et se mit à couper des fils. Quand la jeune femme revint, elle aperçut son tissage défait et se mit à crier : — Que Dieu te maudisse ! J'avais peur des autres mais c'est toi qui as embrouillé mon tissage ! Cha'chu'a protesta vivement. — Je voulais seulement détendre ton tissage ! Voilà comme tu me remercies ! La fille s'emporte contre ses parents et les renvoie. (à suivre...)