Changement n Le couscous, les tenues traditionnelles ou la musique chaâbie ne font presque plus partie de certaines fêtes. Beaucoup de familles préfèrent faire dans la folie des dépenses pour prendre le train de «la modernité». En vérité, aujourd'hui, les mariés ont l'embarras de choisir entre la fête traditionnelle et moderne. Pour les uns, comme pour les autres, c'est une affaire d'argent mais aussi de conviction. Aujourd'hui, il n'y a pas une seule manière de fêter un mariage. Si certains préfèrent préserver les mariages traditionnels avec leurs particularités pratiquées jadis, une nouvelle mode vient de s'imposer chez nous, et qui tend à se généraliser à travers tout le territoire national. Il s'agit des cérémonies organisées dans des salles de fêtes ou des hôtels. Elles ont lieu souvent les après-midi ou en soirée. Généralement, c'est vers 21 heures que les festivités commencent. D'abord, c'est la mariée qui fait la «tasdira» en vogue chez nous. Ensuite un dîner spécial au menu très varié (hors-d'œuvre, plats froids, méchoui, poulets rôtis, desserts…), est servi aux convives. Cela dépend, bien sûr, de la commande faite par les familles des mariés. Bien entendu, ce n'est pas tout, puisque, assez souvent, la «folle nuit» ne prend fin qu'à l'aube. Durant toute la nuit, les invités sont servis continuellement à courts intervalles en gâteaux orientaux, en salés et en boissons fraîches avec une ambiance festive faite de musique, de danse et de youyous qui enjolivent l'atmosphère régnant dans le grand espace réservé à cette occasion. Les invités ont le choix de rester à des heures tardives de la nuit, comme ils peuvent rentrer chez eux à n'importe quel moment. Mais les proches parents des mariés restent pour accompagner les jeunes époux jusqu'à la fin de la cérémonie. L'organisation de la «tasdira» dépend du choix de la mariée qui est libre de la pratiquer ou non. Celles qui la choisissent sont soumises à un défilé de tenues vestimentaires qui sera bouclé par la robe blanche qui demeure pratiquement le rêve de toutes les filles ayant attendu si longtemps ce jour pour la porter. Bien entendu, ce défilé est agrémenté par le style de musique au goût des invités assuré par un disk-jockey professionnel. Amina qui s'est mariée début juin, ne cache pas sa joie d'avoir opté pour une fête «soirée». «C'est vrai que des millions de centimes sont partis en fumée, mais, en revanche, j'ai eu la chance de célébrer le plus beau mariage comparativement aux précédentes fêtes célébrées par ma famille... Les invités l'ont beaucoup apprécié», dit-elle fièrement. Rencontré dans un marché de fruits et légumes à Belouizdad, Yamina mère de quatre enfants dont l'aîné vient juste de se marier, constate avec émotion : «Il ne reste plus rien, tout a disparu au fil du temps, on est plus à l'ère des orchestres chaâbis, ou encore des m'samâiyate. La modernité a gommé toutes les coutumes de notre époque», ajoutant que son fils a décidé de célébrer son mariage comme il l'a voulu, c'est-à-dire en faisant fi des traditions d'antan. Il faut dire aussi que même le déroulement des mariages a changé avec l'irruption du phénomène des salles de fêtes. Certes, le pic est enregistré durant les mois de juillet et août ainsi que les week-ends, mais force est de constater que les jeunes se marient tout au long de l'année et tous les jours de la semaine, selon la disponibilité des salles. Evoquant les fêtes d'hier et d'aujourd'hui, un habitant de la Casbah d'Alger que ses voisins appellent «ami Omar», s'interroge : «Que reste-t-il de ces fêtes de mariage où le couscous était roulé par des femmes aux mains expertes et où les makrouts ruisselaient de miel ? Chacun était le bienvenu puisque la carte d'invitation n'était pas encore venue s'immiscer dans nos us et coutumes. Il était possible d'accéder à la terrasse de l'immeuble où se déroulent toutes les fêtes avant que des salles viennent tout bouleverser. Il y avait un beau décor agrémenté par un orchestre de chaâbi qui nous rappelait nos origines avec des paroles qui ne portent pas atteinte à la moralité. Hélas tout a changé», se désole-t-il. Abondant dans le même sens, son ami Rabah dira que «ces salles sont aménagées pour la circonstance par des commerçants d'un genre nouveau pour arnaquer une clientèle qui a de l'argent à jeter par les fenêtres». «Le désordre est général et commence au moment où le cortège démarre. L'autre «nouveauté» est le fait que des automobilistes s'arrêtent pour une «petite danse» où des jeunes s'en donnent à cœur joie sous des semblants de youyous apparentés beaucoup plus à des cris de guerre et qui n'ont rien à voir avec ceux de nos mères et de nos grand-mères qui ont fait trembler le plus courageux des soldats de l'occupant», regrette un homme d'un âge certain.