Le mariage en Algérie a beaucoup changé et évolué en fonction de la société qui l'institue et se retrouve prisonnière d'une maladroite inspiration du modèle occidental. «Le mariage est l'union légale d'un homme et d'une femme et la célébration de cette union», voici la définition exacte de ce mot dans les dictionnaires de langue française. Cependant, chaque civilisation et chaque communauté le traduit à sa manière. Et l'Algérie ne déroge pas à la règle. Cette union qui a gardé, au fil des années, toute sa tradition, a néanmoins changé quelque peu de cap pour devenir un «business florissant». Et pour cause, les coûts moyens d'un mariage en Algérie sont de plus en plus exorbitants, se chiffrant à coup de centaines de milliers de dinars si ce n'est en millions, le rendant un luxe que beaucoup ne peuvent (plus) s'offrir. Le mariage algérien évolue avec les changements de la société qui l'institue, cette société se retrouve même prisonnière de cette évolution maladroite inspirée du modèle occidental, mais toujours tentée et subjuguée par la tradition. Cette situation lui vaut beaucoup d'inconvénients et notamment ceux financiers. En effet, au temps de nos aïeuls, le mariage était une cérémonie, certes longue mais presque dépourvue de dépenses. Lorsque le temps du mariage approche, les voisins et voisines venaient prêter main forte aux familles organisatrices. Les gâteaux et autres friandises étaient préparés à la maison. La mariée rangeait un trousseau, avec sa famille et ses amies, ainsi que ses affaires, emportant à son départ, le nécessaire qu'il lui faudra pour sa nouvelle vie. La famille du marié, quant à elle, se préparait à accueillir la nouvelle venue dans la famille, en remplissant le «tbek» qu'elle lui emmènera lors de la cérémonie de la consécration de l'union ou «dfour'». Dans ce fameux «tbek de tous les présents», se trouvaient quelques bijoux, des parfums et des habits que la mariée porterait lorsqu'elle sera réunie avec son mari dans leur nouvelle vie. A présent, c'est une toute autre tradition qui s'est instaurée, celle fondée sur le «luxe». A commencer par la dot ou ce qu'on appelle communément le «trousseau de la mariée». Cette tradition qui veut que la mariée quitte ses parents en emportant avec elle le nécessaire, pour se vêtir et s'installer dans sa nouvelle demeure, est devenue une véritable épreuve, un investissement d'abord, une contrainte ensuite. Et pour cause! Ce nécessaire est devenu aujourd'hui «superflu», surtout lorsqu'on constate qu'il existe maintenant des mères qui commencent à préparer le trousseau de leurs filles dès leur enfance pour ne pas dire leur naissance en achetant des couvertures, des couvre-lits, des draps, des oreillers, une bibliothèque, parfois, un, voire deux salons (goût du luxe oblige), des tables, des rideaux et beaucoup d'autres choses encore. Arrivé à l'étape ou plutôt à l'épreuve du transport, déplacer le trousseau de la mariée devient alors un déménagement et nécessite de ce fait l'utilisation de gros moyens, à savoir les camions. Toutes ces affaires ont bien sûr un coût et ce dernier peut aller jusqu'à quatre cent mille dinars sans compter les bijoux dont l'achat ne se soumet pas à des normes standard. Le grand déménagement Ajoutés à ce shopping intensif, on arrive à l'étape la plus coûteuse du mariage, celle de la cérémonie proprement dite. Elle est cruciale. Autrefois, elle était célébrée de manière modeste mais toujours très festive puis elle a connu des changements pour devenir un vrai spectacle où les yeux n'ont pas le temps de se reposer. Devenue depuis quelques années un vrai «show made in Algeria», la cérémonie de mariage a suscité de nouveaux besoins, notamment l'incontournable «salle de cérémonie» louée à grands frais. Ainsi, beaucoup de personnes ont su investir dans ce créneau et accaparer une part substantielle de ce «business matrimonial» en plein boom. Salles des fêtes, pâtissiers, boutiques pour mariée, orchestre et negaffate sont tous les ingrédients d'un mariage algérien presque «atypique». Prenons les negaffate, comme premier exemple. Venu tout droit du pays voisin, à savoir le Maroc, ce mot désignant «les femmes organisatrices de fêtes nuptiales», a fait une grande entrée dans le vocabulaire festif de l'Ouest et, est en train de conquérir les autres régions du pays. Il s'impose dans le rituel des soirées nuptiales à Oran, mais aussi à Tlemcen où il est fortement présent et est en train de s'installer timidement dans le Centre. Il évoque la fête, les vêtements d'apparat, les robes de mariée, les paillettes, les noces, l'été mais aussi l'argent. En effet, faire appel au service d'une neggafa n'est certainement pas gratuit. Hormis le fait que se référer à leurs services, désengage les familles des mariés de tous les préparatifs du mariage et du stress qui les accompagnent, cette solution coûte quand même aux clients la bagatelle de 80.000 dinars rien que pour la prestation. Ces hommes et femmes «neggaff», «neggafate» sont les pièces maîtresses du rituel nuptial. Elles (ils) élaborent, avec leur traiteur, musiciens et clients, le menu, le timing et le déroulement de la fête de noces. Finis les tracas de l'organisation du mariage, ce sont désormais des «boîtes» qui gèrent la location de la salle, l'orchestre, le Dj, le ou les photographes et cameramen, et même la location de la limousine pour le cortège et sa décoration. Cette dernière, utilisée pour «marquer les esprits» dans les cortèges nuptiaux, est de plus en plus demandée par les clients qui n'hésitent pas à débourser quelque 40 à 60.000 dinars pour un cortège qui fera longtemps parler de lui. Cette nouvelle tendance fait, bien sûr, des heureux, puisque aujourd'hui on a recensé plus d'une dizaine d'agences dont l'activité principale tourne justement autour de la location de véhicules «spéciaux» pour les cortèges, ce qui s'avère être un business prometteur. D'autres, particuliers et étrangers cette fois-ci, profitent de l'été, connu pour être la saison des mariages en Algérie, pour venir passer des vacances en faisant des affaires, en ramenant avec eux leurs voitures de luxe et en tirer profit à raison de deux cortèges par jour. Cependant, tout le monde ne peut se payer le service d'une limousine pour son cortège nuptial. Pour ceux-là, ces agences mettent à leur disposition des voitures plus ou moins luxueuses à «petits» budgets, quoique «petits» ne veut pas forcément dire «pas coûteuses», puisqu'ils tournent quand même autour des 30.000 dinars. Les gérants de salles des fêtes sont eux aussi de fins commerçants dans le domaine des fêtes nuptiales. Ces dernières poussent comme des champignons depuis une dizaine d'années. Le nombre atteint le millier et il ne s'arrêtera pas en si bon chemin. En mesure de contenir 250 ou 500 personnes, avec ou sans serveurs, en soirée ou après-midi, les prix varient en fonction des options proposées quoique cette variation ne soit pas minime comme on pourrait le croire. En effet, si on prend l'exemple du timing de la location, les prix sont radicalement différents. Et pour cause.! La fête en après-midi qui coûte moyennement 80 à 100.000 dinars, atteint 160.000 dinars lorsqu'il s'agit d'une soirée. Même chose pour les serveurs si les clients décident de les prendre. Une rallonge de 20.000 dinars gonfle le prix de location. D'autres gérants, plus généreux avec leurs clients, incluent la prestation des serveurs dans le prix de base de la location. Quand il y en a plus, il y en a encore Outre les salles, l'animation est un autre marché de la célébration nuptiale. En effet, après avoir effectué un bref tour d'horizon, les prix des prestations donneraient presque le tournis, puisque avoir un chanteur lors d'une cérémonie de mariage, coûte moyennement 100 à 110.000 dinars. Pour l'orchestre, il faut compter 50.000 dinars de plus et cela en fonction du nombre de musiciens. Bien sûr, la tranche horaire à laquelle se déroule la cérémonie est un autre facteur conditionnant le prix. C'est lorsqu'on croit que ce parcours du combattant est fini qu'on se rend compte qu'il reste encore beaucoup à faire et à «dépenser». Accueillir les invités se fait avec de la musique mais aussi avec les boissons, les friandises et les gâteaux traditionnels. Dans ce dernier domaine, les pâtissiers, mais aussi les femmes activant dans le secteur, rivalisent par l'originalité mais aussi les prix de leurs produits et chaque année, on assiste à la naissance d'un ou deux nouveaux modèles qui feront le tour des mariages de la région. Leurs prix varient en fonction des ingrédients qui les composent et de la complexité de leur confection et peuvent aller jusqu'à 45 dinars pièce. Ce prix multiplié par 250, le nombre moyen d'invités par mariage, et disons par 4 pour le nombre du genre de gâteaux, leur prix de revient passe à 45.000 dinars. Les tenues traditionnelles et moins traditionnelles de la mariée mais aussi son maquillage sont, bien sûr, le clou du spectacle. Le Karakou, les robes berbère, Fergani ou encore tlemcénienne et chaouie, toutes ces toilettes portées par la mariée, «devront» l'être lors de la «tesdira». Leur prix varie selon la région où se tient le mariage. La tenue constantinoise (djeba Fergani), par exemple, coûte dans les 30.000 dinars lorsqu'elle est achetée à Constantine, alors qu'à Alger, il serait impossible de l'acquérir à moins de quelque 80.000 dinars. Enfin, lorsqu'on ajoute à ces dépenses le prix de la parure que le marié offre traditionnellement à sa future épouse (120.000 dinars en moyenne) et qu'on calcule le coût final d'un mariage, on arrive à quelque 900.000 dinars. Mais le paradoxe dans tout ça, c'est que les gens se demandent pourquoi, de nos jours les jeunes Algériens ne veulent pas ou plutôt ne peuvent plus se marier.