Saison n Les premières figues fraîches ont fait leur apparition, durant cette première décade du mois d'août, sur les marchés de la wilaya, où elles sont proposées à des prix variant entre 80 et 150 DA le kg, en fonction de la variété et de la qualité du fruit. La récolte de cette saison a été sérieusement compromise par la forte chaleur, aggravée par des incendies, ce qui a provoqué la chute d'une grande partie de fruits immatures qui sera utilisée par les éleveurs comme aliment pour le bétail. Le vieillissement des vergers, le manque d'entretien des arbres et la pratique de moins en moins fréquente de la caprification (fécondation à l'aide de figues mâles) sont parmi d'autres facteurs à l'origine du net recul de la production des figues, tel qu'il a été constaté dans les principales régions à forte implantation de cet arbre rustique, qui constituait naguère, avec l'olivier, la base de l'économie vivrière de la Kabylie. C'est dire que le seuil atteint par les prix du bakhssis (figue) n'étonne plus personne et que seul le travail de la terre est à même de réhabiliter cette culture ancestrale, comme le souligne Moh-Arezki, vieux paysan de Tala Amara connu dans la ville de Tizi Ouzou où il vend toujours des figues sèches. Il se souvient du temps, jusqu'à la fin de la décennie 1960, où les arbres ployaient sous le poids des fruits, en assurant un régal pour tous, et la partie orientée vers les docks de l'administration coloniale, servait à l'exportation. «La figue ne tombe pas, comme cela, dans la bouche», dit un proverbe kabyle pour signifier que rien ne s'obtient sans mérite. La rareté aidant, il est loisible à tout usager de la RN12 reliant la ville de Tizi Ouzou à Azazga, ou la RN128 joignant Draâ Ben Khedda à Boghni, de constater des jeunes et moins jeunes proposant, de part et d'autre de la route, des figues ratatinées par la sécheresse, dans de vulgaires bidons de peinture et autres récipients de fortune, se substituant aux corbeilles en osier, soigneusement tressées par des mains expertes de vanniers, et qu'on employait, au temps béni, pour honorer la cueillette de lakhrif, signifiant également automne, saison de maturation de ce fruit. Du fruit du terroir qu'il était, la figue fraîche est en passe de devenir un fruit exotique, au même titre que la banane, le kiwi, l'ananas et autres fruits tropicaux, confirmant ainsi la prédiction que lançaient les sages, sous forme de malédiction, à tout un chacun qui abandonne le travail de la terre, en lui disant : «Il viendra un temps où tu seras astreint d'acheter le bakhssis au marché». Devant l'accentuation, observée ces dernières années, de la tendance du périclitement de la production des figues dans la wilaya de Tizi Ouzou, la Conservation locale des forêts projette de mettre en œuvre de multiples actions pour la revivification de cette culture, au titre des Programmes de proximité pour le développement rural intégré ( Ppdri).