L?attente est longue et les nerfs sont à fleur de peau côté algérien. Les journalistes veulent à tout prix quitter cet endroit hostile et prendre la route de Sousse. Les organisateurs font patienter tout le monde. «Nous attendons que la route soit sécurisée», s?écrie un membre du Cocan. «Pourquoi, il y a des scuds qui tombent sur Sfax ?», lui réplique un confrère. Les journalistes algériens décident de prendre d?assaut les deux bus stationnés dans le parking du stade et mettent la pression sur les organisateurs. La police et la Garde nationale sont postées à tous les carrefours. Nous mettons une cassette de Guerouabi (El Barah) et nous prenons le chemin du retour. Les policiers nous font des signes de la main pour nous rassurer. «La route est sécurisée, il n?y a plus rien vous pouvez vous en aller», nous lance un flic. La sortie nord de Sfax est curieusement vide et malgré les feux rouges, les policiers nous faisaient rouler à toute vitesse sans que personne puisse deviner que le danger était au rendez-vous. La première chose qui attire notre attention, ce sont les pierres et les bris de glace qui jonchaient le bitume. Nous accélérons, car nous sentions qu?il y avait quelque chose dans l?air. Soudain, des pierres sifflent sur nos têtes. Une première atteint le toit de la voiture. «Fonce, ne t?arrête pas, s?écrie Nazim mon collègue, on nous tire dessus !» Nous l?avons échappé belle. Mais pas pour longtemps, puisque deux autres grosses pierres viennent fracasser les vitres de notre voiture, dont l?une atterrit dans mon dos. La voiture vacille, mais j?arrive tout de même à la contrôler en faisant une queue de poisson avant de l?immobiliser juste devant un barrage de police. «Ne restez pas là, circulez !», gronde un officier. «Nous sommes des journalistes algériens, lui répliqua Nazim, nous avons droit à une escorte ; c?est notre droit.» «On ne partira pas d?ici, sans escorte», lui ai-je ajouter. Notre ami Mustapha du journal Le Buteur est légèrement atteint par des éclats de verre. «Il n?y pas de blessés graves ? Personne n?est touché ?», s?interroge-t-on. D?autres voitures algériennes arrivent et s?arrêtent à notre niveau, ce qui contraint les policiers à se décider à nous escorter jusqu?à la sortie de la ville. Et c?est ainsi qu?un cortège de cinq ou six voitures, toutes algériennes, mais aussi toutes endommagées, prend le chemin du salut. Coincés entre deux camions de police, l?un devant et l?autre derrière, nous nous dirigeons droit vers la sortie de Sfax la peur au ventre. Les lumières disparaissent petit à petit. Une plaque indique : Sousse, 129 km. Mais le ventre reste noué et un froid de canard nous enveloppe durant tout le trajet. Deux heures de grelottement. «Je préfère la douleur du froid que ce bruit strident d?une glace qui éclate», réconforte Mustapha. Après deux heures de route, enfin les lumières de Sousse. Des policiers nous font éviter l?entrée sud de la ville, ce qui fait renaître nos appréhensions. Mais quelques kilomètres plus loin, Hammam Sousse s?offre à nous, puis port El-Kantaoui. C?est la délivrance. Ouf !