Résumé de la 1re partie n Le chêne s'entretient avec un éphémère. Il ne comprend pas que cet insecte soit si joyeux alors qu'il sait que sa vie est très brève... «Dors, dors ! chantaient les vents autour de lui. Nous allons te bercer gentiment puis te secouer si fort que tes branches en craqueront d'aise. Dors bien, dors ! C'est ta trois cent soixante-cinquième nuit. En réalité, comparé à nous tu n'es qu'un enfant au berceau. Dors, dors bien ! Les nuages vont semer de la neige : ce sera une belle et chaude couverture pour tes racines. Et le chêne perdit toutes ses feuilles : il s'endormit en effet pour tout l'hiver et il eut bien des rêves où sa vie passée lui revint en souvenir. Il se rappela comment il était sorti d'un gland et comment, étant encore un tout mince arbuste, il avait failli être dévoré par une chèvre. Puis, il avait grandi à merveille ; plusieurs fois, les gardes de la forêt l'avaient admiré et avaient pensé à le faire abattre pour en tirer des mâts, des poutres, des planches solides. Il était cependant arrivé à son quatrième siècle et aujourd'hui personne ne songeait plus à le faire couper ; il était devenu l'ornement de la forêt : sa superbe couronne dépassait tous les autres arbres et de loin on l'apercevait de la mer et il servait de point de repère aux marins. Au printemps, dans ses hautes branches, les ramiers bâtissaient leurs nids ; le coucou y était à demeure et faisait de là résonner au loin son cri monotone. L'automne, quand les feuilles de chêne, toutes jaunies, ressemblent à des plaques de cuivre, les oiseaux voyageurs s'assemblaient de toutes parts sur ce géant de la forêt et s'y reposaient une dernière fois avant d'entreprendre le grand voyage d'outre-mer. Maintenant, l'hiver était venu ; après avoir longtemps résisté aux aquilons (vents violents), les feuilles du chêne étaient presque toutes tombées ; les corbeaux, les corneilles venaient se percher sur ses branches et taillaient des bavettes sur la dureté des temps, sur la famine prochaine qui s'annonçait pour eux. Survint la veille de Noël, et ce fut alors que le vieux chêne fit le plus beau rêve de sa vie. Il avait le sentiment que la fête qui se préparait le réconfortait au point de se croire en été, par une splendide journée. Et voici ce qui lui apparut : Sa haute et vaste couronne était fraîche et verte ; les rayons de soleil y jouaient à travers les branches et le feuillage et projetaient des reflets dorés. L'air était embaumé de senteurs vivifiantes ; des papillons aux mille couleurs voltigeaient de toutes parts et jouaient à cache-cache, puis à qui volerait le plus haut. Des myriades d'éphémères donnaient une sarabande. Voilà qu'un brillant cortège s'avance : c'étaient les personnages que le vieux chêne avait vus tour à tour passer devant lui pendant la longue suite d'années qu'il avait vécues. En tête marchaient des pages, des chevaliers aux armures étincelantes, des châtelains vêtus de brocart sur des palefrois caparaçonnés et tenant sur la main des faucons encapuchonnés. Le cor de chasse retentit : la meute aboyait, le cerf fuyait. (à suivre...)