Courage Des femmes osent parler pour défendre la mémoire de leur mari, de leur patrie. Parler pour mettre les points sur les «i»? L?Histoire retient que «derrière chaque illustre homme, une femme». Ce captivant aphorisme s?avère chargé d?une symbolique que l?Histoire n?a jamais reniée, tant elle est truffée d?exemples édifiants, jamais démentis, de Cléopâtre, à Fatma n?Soumer. Et pris dans toute sa dimension morale, il vide le sobriquet «sexe faible» de sa substance pour n?en faire seulement qu?un indigent qualificatif à bannir et à remplacer par un néologisme beaucoup moins misogyne. Si des illustres hommes ont acquis plébiscite et notoriété, c?est qu?ils ont eu à leurs côtés épouses, s?urs et mères dont la seule dose d?émulation aura été suffisante pour les forcer à continuer la tâche qu?ils se sont assignée et à ne pas s?arrêter au milieu d?un chemin semé d?embûches. Qu?elles soient révisionnistes ou légalistes, démocrates ou conservatrices, de droite ou de gauche, elles n?obtempèrent devant aucune barrière pour «s?exhiber» en femmes courageuses aptes à faire entendre leur voix et leurs idées, leur peine et leur révolte en essayant surtout de mettre les points sur les «i» que les autres avaient délibérément omis de faire, même si, au passage, leurs actes ne sont pas tout le temps exempts de velléités ni éternellement au-dessus de tout soupçon. Il y a quelques semaines, à l?heure où l?Hexagone s?apprêtait à baisser le rideau sur les festivités de l?Année de l?Algérie en France, une femme a décidé de parler en voulant renverser l?ordre établi. Revisiter l?histoire tortionnaire que les fastes du factuel ne pouvaient effacer, car s?agissant avant tout d?une épreuve de mémoire. Une mémoire douloureuse. Elle, c?était Louisette Ighilahriz, désormais connue comme le bourreau moral des tortionnaires de la France coloniale. Presque au même moment, deux femmes, la veuve de Bitat et la fille de Hadj Messali en l?occurrence, nous ont fait remonter les chemins escarpés de l?Histoire par colonnes interposées, écumant vérités et contrevérités pour dédouaner, l?une comme l?autre, leurs hommes qui ne sont plus de ce monde pour pouvoir défendre chacun sa cause. Anissa Boumediene fait, elle aussi, partie de ce monde «politiquement féminin» et se permet même le luxe de rompre, chaque fois que l?occasion lui est offerte, son silence, pour vanter les mérites d?un boumediénisme sans cesse repassé au scanner quand il s?agit de réactiver la machine «révisionniste» à faire remonter le temps. C?est avec la même ardeur et la même pugnacité que Mme Abane Ramdane prend d?assaut le devant de la scène à la seule évocation du nom de son défunt époux que l?histoire contemporaine retient comme l?un des ténors de la Révolution et l?architecte de la plate-forme de la Soummam. Elle fait, dès lors, ce que toute femme est censée faire en pareille situation : défendre la mémoire de son époux. Quitte à s?engager dans un terrain glissant comme celui de la politique où les faux-fuyants sont souvent érigés en règle immuable et dont elle ne connaît, peut-être, pas l?exutoire. Ces femmes, comme des centaines, voire des milliers d?autres, ne reculant devant aucun «tabou» les confinant à rester muettes dans le statut de pauvres «wliyete», pleurant leur sort de veuves, de s?urs ou de mères sans force, méritent respect et estime, loin de toute considération, car elles font quelque chose de précieux : parler.