Fatalité n Cette histoire illustre la force du destin. Elle enseigne que chaque individu, en naissant, reçoit sa quote-part de biens, de vie et de bonheur. Les Algériens, qui sont musulmans, croient au destin : chaque individu qui naît, disent-ils, porte inscrite sur son front sa destinée, ce qu?il sera dans la vie, riche ou pauvre, heureux ou malheureux, bienfaisant ou malfaisant? Cette croyance n?est nullement, comme le croient souvent les Occidentaux, l?expression d?un fatalisme aveugle, voire paralysant. C?est avant tout l?expression d?une foi en la puissance divine. Et pour ne pas pousser à la passivité, la morale populaire enseigne que nul ne connaît son destin, personne ne peut savoir de quoi sera fait son avenir. Aussi faut-il travailler à améliorer ses conditions de vie, à faire des choses utiles. Mais revenons au destin, à la quote-part que chacun reçoit à la naissance. De nombreuses histoires racontent sa force. Celle que nous avons choisi de raconter aujourd?hui nous vient de la vallée de la Soummam, où les gens savent si bien rapporter les légendes et les anecdotes du temps jadis. On raconte qu?une femme était mariée depuis plusieurs années sans que le couple ait pu avoir d?enfant. En général, les hommes qui vivaient cette situation répudiaient leur épouse, ou alors prenaient une seconde épouse dans l?espoir qu?elle mette au monde l?enfant tant attendu. Mais l?homme de l?histoire aime sa femme et il ne veut pas la chagriner en prenant une seconde femme. Dès qu?elle parlait d?enfant, il lui disait : «Ne t?impatiente pas ! Cela viendra. Chaque homme, chaque femme a, dans ce monde, sa part de biens, d?enfants, de vie ! ? Les gens commencent à dire que je suis stérile ! ? Laisse les gens parler, dit l?homme. ? Et toi, tu n?as pas peur de mourir sans descendance ? ? J?ai foi en Dieu, il ne m?arrivera que ce qu?il m?a prescrit !» Ils continuent donc à vivre ensemble. Mais chaque jour qui passe, la femme perd un peu plus l?espoir de devenir mère. Elle procède à toutes sortes de rituels, elle prend toutes sortes de produits, elle va même dormir dans certains sanctuaires dont les saints ont la réputation de rendre les femmes fécondes, en vain : son ventre reste désespérément plat. L?époux, lui, ne cesse de l?exhorter à la patience : «Notre tour d?avoir des enfants viendra ! ? J?ai peur que nous n?en ayons jamais ! ? Il n?arrivera que ce que Dieu aura décidé !» (à suivre...)