Alors que le ministre de la Solidarité a affirmé qu'ils ont été relogés, les habitants ont passé hier leur 2e nuit sur place et dans des conditions lamentables. Ils menacent de recourir à l'émeute si leur situation n'est pas prise en charge sérieusement et très rapidement. «C'est inhumain, qu'un ministre déclare que les familles sinistrées ont été relogées dans des chalets alors que nous avons passé deux nuits dehors», a déclaré, ce matin, Mustapha, délégué des sinistrés auprès des pouvoirs publics. Agé de 60 ans, Ammi Mustapha, comme l'appellent les habitants de la cité Chevalley, nous fait savoir que les propos tenus par le ministre de la Solidarité nationale et de la Communauté algérienne établie à l'étranger, Djamel Ould Abbès, «n'étaient que de la poudre aux yeux». Et d'ajouter : «Ses déclarations, qui découlent selon lui d'un ordre du président de la République, relèvent d'un pur mensonge ; la preuve est que les familles touchées par le drame sont toujours là.» «S'il y avait vraiment une action menée en ce sens, qu'ils montrent des images de notre relogement à la télévision, éclate-t-il en sanglots. Dans la cour de ladite cité, des vieilles dames, des jeunes et des enfants se sont rassemblés. L'effroi et le chagrin sont toujours visibles sur leurs visages. En larmes, Mme Bennai Zoubida, 65 ans, en traînant les pas de fatigue, avance vers nous et lâche : «Vous imaginez ! A mon âge, je suis une malade chronique et souffrant d'un diabète, je passe la nuit dehors à lutter contre ce froid hivernal.» Celle-ci nous confie que depuis le jour de l'explosion qui a secoué la cité, elle n'a pas eu le courage de regagner sa demeure qui se trouve au 2e niveau du sous-sol de l'immeuble de peur que la bâtisse s'effondre vu que les services des CTC l'ont déjà classée dans la catégorie orange IV après le séisme de Boumerdès. Sa fille, à ses côtés, fulmine : «Où est cette prise en charge dont on parle, passer la nuit dehors s'alimenter en repas froid sous une gelée, vous appelez ça une prise en charge ?» Un père de famille, dont la fille, blessée, se trouve toujours à l'hôpital, nous fait savoir qu'aucun responsable ne s'est déplacé hier pour assister à l'enterrement des victimes, qui s'est déroulé à même la cour de cette cité. Pis encore, «aucune équipe médicale n'a été dépêchée pour assurer la prise en charge psychologique de nos enfants et de nos voisins qui ont perdu les leurs et ce, même au niveau de l'hôpital Lamine-Debbaghine de Bab El-Oued», a-t-il déploré. Par ailleurs, les victimes qui, faut-il le signaler, refusent d'être relogées dans des chalets, menacent «de recourir aux émeutes, dès cet après-midi, si les promesses ne seront pas tenues». L'idée de leur relogement dans des chalets à Ouled Moussa relevant de la wilaya de Boumerdès est rejetée dans le fond et dans la forme. Une idée qui, à leurs yeux, représente «une précarité durable» puisque des dernières révélations de la presse nationale font état de maladies recensées au sein des occupants des chalets basés à Bordj El-Bahri et Réghaïa. «Les chalets ont été construits à base de ferreux contenant de l'amiante, ceux qui a provoqué de nombreuses maladies à leurs occupants», a expliqué Mustapha, montrant un article d'un journal traitant du sujet. Nouveau bilan : Cinq morts et 18 blessés n Cinq personnes ont trouvé la mort et 18 autres ont été blessées dans l'explosion de gaz survenue mardi matin à la cité Chevalley, dans la commune de Oued Koriche, a indiqué, hier, le colonel Tighrestine Mohamed, de la Protection civile. Il a précisé que six blessés ont été soignés sur place par les équipes de la Protection civile, tandis que les douze autres ont été transférés vers les hôpitaux Lamine-Debaghine à Bab El-Oued et Birtraria à El-Biar. Le précédent bilan était de quatre morts et quatorze blessés. Rappelons que le sinistre s'est produit à la suite d'une fuite de gaz survenue au niveau supérieur d'un bâtiment de trois étages, provoquant d'importants dégâts à deux appartements ainsi qu'à trois habitations illicites construites sur la terrasse de l'immeuble. Ould Abbès : «Les familles ont déjà été relogées !» n Le ministre de la Solidarité nationale, de la Famille et de la Communauté nationale à l'étranger, Ould Abbès Djamel, a indiqué, hier, que les familles victimes de l'explosion ont déjà été relogées dans des chalets équipés dans la wilaya d'Alger. Il a, en outre, indiqué que son département prévoit une «aide spécifique» à ces familles. «Le ministère va s'enquérir de la situation sociale des familles victimes afin de leur apporter une aide spécifique», a-t-il déclaré en marge des travaux d'une réunion du Conseil national de protection des personnes âgées. «Le ministère va apporter une aide spécifique et personnalisée à chaque famille, en dehors de l'enveloppe (financière) qui sera octroyée par l'Etat», a-t-il ajouté. Pour lui, le plus urgent a été fait en mettant les familles à l'abri du froid et le reste viendra progressivement. «Nous n'étions pas derrière les émeutes d'hier» n «Les émeutes qui ont été déclenchées dans la soirée d'hier au niveau de climat-de-France, n'ont pas été l'œuvre des jeunes issus des familles sinistrées», ont déclaré les victimes de l'explosion de gaz qui a touché la cité Chevalley. Selon eux, les jeunes qui «ont tenté de mettre en branle notre localité ont profité du sinistre qui nous a frappés, pour en tirer les dividendes. Ce sont des habitants des autres cités, nous avons même été obligé d'intervenir pour les appeler au calme et éviter tout amalgame», a expliqué une mère de famille. «Nous déclinons toute responsabilité de ce qui pourrait se produire dans les tentatives d'embrasement menées par des gens qui n'ont rien à voir avec la catastrophe», ont déclaré unanimement les sinistrés. Toutefois, ces derniers menacent de recourir aux émeutes si «l'inertie des autorités perdure». Ils ont même fixé un délai, à savoir cet après-midi. Une aubaine pour les opportunistes Le relogement des familles sinistrées dans l'affaire de la cité Chevalley, ne cesse de soulever les inquiétudes des victimes qui redoutent déjà une arnaque. A en croire leurs déclarations, des gens sont venus d'autres cités pour tenter d'introduire leurs noms sur la liste des familles qui ont perdu ou enregistré des dégradations de leurs maison suite au drame en question. Toujours selon eux, les autorités ont dénombré 34 familles dont les logements sont quasi inhabitables, celles-ci ont été portées sur liste qui doit répondre au programme de leur relogement. Toutefois, des informations parlent d'une liste qui contient déjà plus de 45 familles, après que des pseudo-locataires de cette cité ont porté leurs noms sur ladite liste. «Nous interpellons les services concernés pour qu'une vraie enquête soit menée pour déterminer les vrais des faux sinistrés», ont-ils réclamé. «Sonelgaz n'est pas responsable» Nous ne sommes pas concernés par la forte explosion survenue, avant-hier, à la cité Chevalley (Climat-de-France). C'est ainsi que Abdelkader Boussourdi, P-DG de la Société de distribution de gaz et d'électricité d'Alger (SDA), filiale de Sonelgaz, a débuté sa conférence de presse. Les analyses faites sur place par les équipes qui se sont rendues immédiatement sur le lieu du sinistre ont montré que les ouvrages gaz, colonnes montantes, branchement et compteurs relevant de la SDA, n'ont pas été endommagés, a t-il argumenté. Ainsi, il dira que «le premier constat fait par son équipe est que le gaz fonctionnait normalement même après 45 mn de la survenue de cet incident tragique, et même l'électricité n'a pas été coupée». Et d'ajouter : «Il n'y avait aucune fuite de gaz lorsque nos éléments sont arrivés et aucune trace de flamme ou de carbonisation au niveau des conduites des colonnes montantes gaz ni sur les murs les soutenant, n'a été constatée.» Il a expliqué également que les conduites gaz constituant les colonnes montantes gaz des blocs en question «sont restées saines et entières et ce, depuis le rez-de-chaussée jusqu'au dernier étage de cette bâtisse y compris les étages effondrés. Ce qui prouve, encore une fois, selon ses dires, que la SDA n'a rien à voir avec cette forte explosion qui a fait 5 morts et plusieurs blessés. «L'origine de cette explosion n'est pas encore déterminée», a-t-il conclu.