La promesse du wali d'Alger se concrétise à chaque relogement. En l'espace d'un mois, c'est la troisième opération que les services concernés mènent avec succès. Dans les semaines et les mois à venir, le programme d'éradication de l'habitat précaire continuera son bonhomme de chemin. Plus de 10 000 logements seront attribués d'ici à octobre prochain. Les lumières de la ville ne sont pas encore éteintes quand le dispositif est mis en place. Les premiers camions ont déjà pris la route, chacun vers sa destination. Le bidonville de Zaâtcha qui, d'habitude, se réveille nonchalamment, grouille de monde très tôt en ce matin du mardi 13 avril. Un jour et une date que beaucoup de ses habitants ne sont pas près d'oublier. Alors que des familles finissent de charger leurs meubles et bagages, d'autres attendent leur tour d'embarquer vers leur nouvelle adresse. Pour certains, les choses se passent autrement. N'ayant pas trouvé leur nom sur les listes de départ, ils accrochent tout responsable de l'APC susceptible de leur fournir un renseignement utile. Evidemment, on comprendra que ceux qui n'ont pas été recensés lors du passage des agents de la commune sont exclus. “Chaque relogement a ses intrus”, nous dit-on. Il faut dire que l'organisation en place est irréprochable. Des agents communaux s'attelant à leurs tâches, des élus orientant les “perdus”, un service d'ordre imposant sous l'encadrement discret des officiers. La route est fermée à la circulation et seuls les camions y ont accès. À quelques mètres du théâtre des opérations, le wali délégué de Sidi M'hamed, Mohamed-Laïd Khalfi, coordonne les opérations à partir du Centre culturel du boulevard des Martyrs. “Tout se passe comme prévu”, dit-il. Interrogé sur le mécontentement de certains contestataires rencontrés sur les lieux, le commis de l'Etat explique que “les dossiers ont été examinés depuis huit mois par les autorités compétentes ainsi que par les services de sécurité. Le travail a été fait avec une grande conscience. S'il se trouve quelques cas oubliés, que ces derniers gardent espoir en adressant un recours. Mais je puis vous assurer que la marge d'erreur est infime”. Pour ce qui est du devenir de la récupération du site, ce dernier servira, selon le wali délégué, d'assiette à un projet d'utilité publique. Le P/APC, Mokhtar Bourouina, est accroché à son portable qui le met directement dans le feu de l'action par l'intermédiaire de ses proches collaborateurs. Il cache à peine sa joie en ce jour de grâce qui voit enfin mettre un terme à un problème qui le tenaillait depuis qu'il est à la tête de la commune. Après Bobillot en 2004, voici le temps venu pour Zaâtcha, dernier bidonville du centre de la capitale. Un point noir légué par l'administration coloniale dans la riche commune de Sidi M'hamed dont l'édile voulait s'en débarrasser. À présent, c'est chose faite. Le présent se conjugue déjà au passé. Les camionneurs à la queue leu leu se dépêchent de prendre la feuille de route et démarrent, car il faut libérer la rue avant midi. Quant aux protestataires, nombreux quand même, ils attendront les résultats de la commission de recours. 197 familles officiellement recensées sur 291 annoncées auparavant. Les bénéficiaires ont été dispatchés sur six sites, à savoir Tessala El-Merdja, Djenane Sfari, Souidania, Tahar-Bouchet (Birkhadem), Bordj El-Bahri et Aïn Benian. Tessala El Merdja entre joie et tristesse La cité des 1 310-Logements renoue avec la procession des camions. Depuis un mois, le manège se répète par intervalle de quelques jours. 104 familles de Zaâtcha ont été affectées ici. La joie se lit sur le visage de ceux qui ont trouvé enfin leur bonheur. “Vous ne pouvez pas imaginer à quel point je suis heureuse aujourd'hui. J'attends ce jour depuis trente ans. Je suis prête à manger de la terre”, confie cette vieille femme qui vit avec son fils unique, marié avec deux enfants. Un homme, la quarantaine passée, traîne son enfant par la main. Il attend le camion conduit par son frère employé à la commune. “C'est une nouvelle vie pour moi. Je ne sais pas si vous me comprenez, mais j'ai l'impression de renaître. Avant cela, je ne me considérais pas comme un homme. Vous vous rendez compte ce que c'est de ne pas avoir de vie intime comme tout le monde. Nous étions deux familles sous une même baraque. Mon frère et moi avec chacun des marmots. Les maladies respiratoires ont eu raison des petits qui sont tous asthmatiques. Ma femme pleurait tout le temps. Fuyant l'impitoyable réalité, je rentrais souvent tard dans la nuit avec quelques verres dans la caboche. Inch'Allah, tout cela, c'est du passé”, raconte Kader. Beaucoup d'autres témoignages poignants ont connu l'épilogue heureux grâce au relogement. Comme le cas de ce citoyen qui avait entamé une procédure de divorce car ne pouvant plus supporter une vie sans “vie”, pour reprendre son expression. Aujourd'hui qu'il est “chez lui”, il n'est plus question d'abandonner sa douce moitié. Cependant, on a pu constater un autre son de cloche auprès de ceux qui se sentent lésés par ce relogement. On les reconnaît à des lieues. Retirés, renfrognés. La cause est la même pour tous : l'étroitesse du logement. Il faut dire que la cité des 1 310-Logements est composée pour moitié de F2 et de F3. Nous abordons un groupe de jeunes hommes en âge de se marier. Les langues se délient rapidement comme si elles ne cherchaient que ça. “Ils nous ont eu”, dit l'un d'eux en expliquant qu'il n'est pas possible d'accepter un deux-pièces. Avec ses parents, ses sœurs et frères dont l'aîné prépare son mariage, c'est plutôt exigu. “À Zaâtcha, au moins on avait une deuxième baraque au-dessous. Il y avait une certaine intimité. Par contre, là, on n'a aucune solution. Je ne vais tout de même pas me coucher dans la même chambre que mon frère et sa femme ! Nous sommes une société musulmane et nous avons nos traditions et notre culture”, se révolte un autre. Mohamed, le plus nerveux du groupe, débite sans ambages un récit sur les problèmes qu'il a vécus dans son ancien quartier. Il a même été arrêté par la police pour suspicion d'appartenir à un réseau de soutien aux terroristes. “Il y a une dizaine d'années environ, un journaliste de la radio a été assassiné dans des conditions mystérieuses. Comme je garai ma voiture tous les jours devant chez lui, la police m'a soupçonné et arrêté. J'ai été passé à tabac pendant une semaine, et, finalement, on m'a relâché sans me donner d'explications. Ma famille a souffert au niveau de Zaâtcha certes, mais nous nous attendions à mieux. Pourquoi on ne nous donne pas un F3 pour avoir un peu plus d'espace ? Les pistonnés, on les a relogé à Aïn Benian ou à Djenane Sfari. Il y a beaucoup parmi nous qui travaillent à Alger-Centre. Et puis, pourquoi met-on de côté des F3, il y a tout un bloc vide ?” fulmine notre interlocuteur. Nous avons essayé de calmer les esprits en expliquant que les autorités et les gens chargés de cette opération rassurent que tous les recours seront étudiés et auront les suites conformément à ce qui est prévu par la réglementation. En attendant que les choses se tassent, les contestataires ne savent pas s'il faut accepter les clés ou rester dans l'expectative. Chalets, Diar Es-Chems, Diar El-Kef, El-Baraka au menu prochainement Dès le début du relogement, le directeur général de l'OPGI, Mohamed Rehaïmia, coordonne les opérations à partir de son QG au rez-de-chaussée d'un bâtiment de la cité des 1 310-Logements. C'est là aussi que ce vieux routier du management reçoit les gens de la presse et, bien évidemment, les cas litigieux. Nous profitons d'une pause pour poser la question concernant le relogement des familles habitant les chalets. Selon ce responsable, cette opération est programmée après la fin du relogement des bidonvilles. “On ne peut programmer plusieurs opérations à la fois. La wilaya d'Alger a inscrit en premier lieu la résorption de l'habitat précaire intra-muros. Une opération qui, jusque-là, s'est déroulée dans de bonnes conditions. Nous attaquerons par la suite le dossier des chalets. Cette opération sera menée en principe dans les prochains jours. N'oubliez pas que nous avons l'étude des recours qu'il faut liquider. Dans une autre étape, nous reviendrons sur le relogement des quartiers Diar Es-Chems, Diar El-Kef et Diar El-Baraka à Baraki. Ces quartiers doivent être démolis plus tard, car ne répondant pas aux normes actuelles d'habitat. Enfin, il faut retenir que le programme d'éradication de l'habitat précaire tracé par la wilaya d'Alger, conformément aux instructions du président de la République, sera mené dans sa globalité. Il concerne quelque 45 000 baraques recensées dans toute la wilaya. Pour cela, un programme de plus de 50 000 logements est lancé”, a précisé le responsable. Mais ce dernier rappelle que les pouvoirs publics ne céderont devant aucun chantage, de même que les opportunistes seront débusqués. Abordant la question des échauffourées au niveau de certains sites nouvellement occupés, le directeur général de l'OPGI dit qu'il s'agit d'un simple chahut de gamins. “La psychose qui s'est emparée des nouveaux arrivés quant à des représailles que devaient mener les habitants du bidonville mitoyen à la cité sur leurs enfants n'était qu'une rumeur”, a-t-il tenu à rassurer. Une rumeur que les citoyens de la cité ont pourtant prise au sérieux. Ce qui nous a été confirmé par le wali délégué de Birtouta, M. Cherradi. Ce dernier a rassuré également les habitants de la cité qu'un poste de police de proximité sera fonctionnel prochainement. Eradication de l'habitat précaire, relogements tous azimuts, la capitale fait sa mue en vue d'un autre visage qui se dessinera avec la révision du PDAU, la baie d'Alger, les améliorations urbaines qui donneront à la capitale la place qu'elle mérite dans le bassin méditerranéen. Tel est l'objectif du wali d'Alger ; objectif qu'il s'est assigné depuis son installation en 2004.