Satire n Une pièce de théâtre fait sensation à Gaza en disant tout haut ce que beaucoup de Palestiniens pensent tout bas. Les leaders palestiniens sont des escrocs, vendus les uns aux Etats-Unis, les autres à l'Iran, qui ignorent les souffrances de leur peuple, voilà ce que dit la pièce en substance. Intitulée Cordon ombilical, cette comédie grinçante épingle le Hamas islamiste et son rival laïque du Fatah, les deux principales factions palestiniennes. L'un des personnages, Oum Zakariya, une réfugiée, raconte comment sa fille a réussi à revenir à Gaza en profitant d'une des rares ouvertures du terminal de Rafah, à la frontière égyptienne, afin d'épouser son fiancé sur le point de la quitter. La pièce est une satire féroce. Lorsqu'un acteur jouant le rôle d'un représentant du Hamas ose affirmer que le mouvement a libéré Gaza (en fait Israël s'en est retiré en 2005), il suscite la colère d'une foule de figurants. «Gaza est en état de siège et chaque jour les chars israéliens y font des incursions», lui lance un personnage, «la résistance au blocus se fait grâce à nos enfants martyrs !» «Mais nous vous apportons de l'argent en échange de vos enfants martyrs», argue le cadre du Fatah. «J'emmerde le fric !» rétorque Oum Zakariya, qui a perdu son fils dans une incursion israélienne. «Prenez ma vie et rendez-moi celle de mon fils. C'est une vie de chien, sans électricité, sans farine, sans emploi», dit-elle. Un autre personnage se plaint de la rivalité entre le Hamas et l'Autorité palestinienne, qui gouverne en Cisjordanie, et de leur incapacité à obtenir la levée du blocus. «Nous avons deux ministères de la Santé (un à Gaza et l'autre en Cisjordanie) mais pas d'électricité, pas de farine et pas de ciment.» Au cours de l'intrigue, apparaissent quatre cadres portant costume et attachés-cases avec un cordon à la couleur de leur allégeance politique, d'où le titre de la comédie : vert pour le Hamas, jaune pour le Fatah, noir pour le Jihad islamique et rouge pour la gauche. «Créer une faction est plus facile qu'ouvrir un magasin», ironise le bouffon de la pièce, prénommé Lafi Al-Ahbal («imbécile» en arabe). «Si vous voulez créer une faction, vous n'avez qu'à hurler des slogans sur Jérusalem, les colonies juives, le Mur de séparation en Cisjordanie. Vous allez faire fortune», se gausse-t-il. Le ton de la pièce a provoqué un certain émoi à Gaza. «Je craignais qu'elle ne fût interdite», affirme son metteur en scène Hazem Abou Hamid, qui s'est bien gardé de révéler les passages les plus mordants avant la première. Elle a été jouée trois soirs la semaine dernière devant 1 500 spectateurs à chaque fois. «C'est une soupape qui traduit ce que les gens disent entre eux, leur exaspération face à la division des Palestiniens et leur colère devant le fait que l'aide étrangère interfère avec les décisions politiques», souligne-t-il. Iyad Abou Shariya, auteur et producteur de la pièce financée par une aide suisse, est plus direct : «C'est un cri à l'attention des dirigeants car les gens sont fatigués et en ont marre de leur façon de faire. Nous voulions les forcer à entendre ce que nous avons à dire».