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Que reste-t-il de la cause palestinienne?
ANNIVERSAIRE DE LA NEKBA
Publié dans L'Expression le 21 - 05 - 2007

«Sa Majesté a examiné favorablement l'octroi d'un foyer pour les juifs en Palestine» Lettre de Lord Balfour à M.Rotchild.
On ne fait plus confiance aux leaders politiques. Ils n'ont plus aucun pouvoir. Le gouvernement d'union nationale est fini, il n'existe plus. C'est la jungle, alors nous allons venger nos morts. Ce sera la guerre civile, mais on n'a plus le choix. Ces mots de colère et de détresse devant la perte d'un être cher résument plus que cent discours la situation qui prévaut en Palestine. Nous sommes bien en pleine guerre civile, point d'orgue d'une situation qui a cessé de se détériorer depuis la mort de Yasser Arafat en 2004, il y a trente mois de cela. Souvenons-nous de ce dernier, diabolisé par les Etats-Unis et l'Israël de Sharon qui n'ont jamais voulu en faire un interlocuteur valable. Au contraire, les Occidentaux ont tout fait pour le diaboliser lui préférant un Mahmoud Abbas Abou Mazen plus conciliant. Ce dernier avait les faveurs d'un Occident qui pensait trouver en lui l'homme de la troisième voie, un modéré qui accepte ce qu'on lui propose. C'est compter sans le peuple qui, massivement et très démocratiquement a voté. [l'ancien président américain Jimmy Carter était l'un des superviseurs de ces élections].
Malheureusement, pour l'Occident, le peuple a mal voté, puisqu'il a voté pour le Hamas: le diable avec qui il ne fallait pas traiter quitte à affamer le peuple palestinien A défaut de le changer comme le préconisait Berthold Brecht.
Tout le monde avait applaudi le 17 février, quand sous l'égide de l'Arabie saoudite, Le Hamas de Khaled Mech'al installé à Damas et le Fatah de Mahmoud Abbas, pourtant démocratiquement élu, les deux organisations rivales palestiniennes, parviennent à un accord sur un gouvernement d'union nationale, mettant fin au blocage de l'exécutif palestinien depuis les élections législatives de janvier 2006, remportées par le Hamas. Le gouvernement adopte un plan de sécurité destiné à ramener le calme dans la Bande de Ghaza et à unifier les organes de sécurité. Au lendemain de la mise en oeuvre de ce plan de sécurité, des affrontements armés éclatent dans la Bande de Ghaza. Le ministre de l'Intérieur du gouvernement d'union, Hani Al-Kaouasmi, démissionne, se refusant à occuper une fonction purement décorative.
L'illusion du retrait israélien
Il n'est pas surprenant que les nouveaux troubles se concentrent à Ghaza. Depuis des années, des mises en garde sont lancées, notamment par la Banque mondiale, rapport après rapport, à propos de la poudrière que constitue cette étroite bande de terre surpeuplée et totalement asphyxiée. Jamais la vie n'y a été aussi dénuée de sens. L'illusion du retrait israélien unilatéral, qui assura à Ariel Sharon une posture avantageuse, est aujourd'hui dissipée. Assiégée, appauvrie et isolée, Ghaza ne fabrique plus que de l'extrémisme et de la folie.
Au moins treize combattants de mouvements affiliés au Hamas et au Fatah ont été tués, mercredi 16 mai, lors de violents accrochages dans les rues de Ghaza, malgré un nouveau cessez-le-feu proclamé mardi soir. Les récits sont confus. Personne ne sait vraiment. Ce qui est sûr, c'est que les exécutions à bout portant de frères ennemis armés sont de plus en plus nombreuses. Au total, au moins une quarantaine de personnes ont perdu la vie en quatre jours. Le docteur Adel n'est pas du genre à faire du sentiment mais, cette fois, il trouve que cela suffit. Tout cela est absurde. On n'a rien à manger et on se tire dessus alors que tout le monde sait que l'on ne peut pas diviser la ville, qu'un camp ne peut pas l'emporter sur l'autre, dit le docteur. Pourtant je sais que cela va continuer, que le pire est à venir. Les Arabes ne veulent pas de solution. Les Israéliens ne veulent pas la paix et se frottent les mains. Les Américains n'ont rien à offrir et attisent les braises. Dans ces conditions, je suis prêt à partir comme beaucoup de Palestiniens. Je suis prêt à aller au Darfour. Ahmed Bahar, président par intérim du Conseil législatif palestinien (Parlement), pense que la responsabilité de ces confrontations “trouve son origine dans l'embargo imposé par les Israéliens et les Américains qui accroissent les tensions.(1)
Boycottés, les islamistes palestiniens, après avoir campé sur des positions incompatibles avec un éventuel processus de paix, ont fait un premier pas, pressés par les Saoudiens. L'accord de La Mecque, qui a débouché laborieusement sur un gouvernement d'union avec le Fatah, puis la relance de l'initiative arabe -qui lie la normalisation avec Israël à la création d'un Etat palestinien sur la base des frontières de 1967- auraient pu permettre de sortir d'une impasse mortifère. Israël et les Etats-Unis, qui souhaitent ouvertement que le Fatah élimine le Hamas, en ont décidé autrement. Les Européens, comme trop souvent, hésitent. Le règlement de la question palestinienne est jugé plus problématique et plus coûteux que sa simple gestion, globalement maîtrisée d'un point de vue militaire par Israël et absurdement financée par les pays arabes et européens. Ce calcul se double sans doute de l'espoir que ce dossier disparaisse des priorités internationales en dépit de la puissance de sa charge symbolique. Ce calcul et ce pari sont imbéciles.(2).
Parallèlement, plusieurs roquettes palestiniennes ont été tirées mercredi matin contre Israël, sans faire de blessé, a indiqué une porte-parole de l'armée israélienne. Mardi, une Israélienne a été grièvement blessée et trois autres personnes plus légèrement quand une volée de roquettes palestiniennes s'est abattue sur Sdérot. Selon la radio militaire israélienne, une vingtaine de roquettes ont été tirées mardi contre cette ville, faisant en tout une trentaine de blessés. Des appareils israéliens ont tiré mercredi au moins deux missiles sur un camp de la Force exécutive, contrôlée par le Hamas, à Rafah dans le sud de la Bande de Ghaza. Deux personnes ont été tuées et plusieurs autres blessées, a indiqué une source médicale. Selon cette source, le nombre de victimes pourrait être plus élevé en raison de la présence probable de personnes sous des décombres. De plus, une quinzaine de blindés israéliens ont pénétré, jeudi 17 mai au soir, le nord de la Bande de Ghaza dans un but nous dit-on défensif, ont assuré les responsables de Tsahal.Cette reprise des activités de Tsahal dans la Bande de Ghaza a entraîné une violente réaction du Hamas qui a menacé de reprendre les attentats suicide en Israël interrompus depuis janvier 2005.
La quatrième trêve décrétée, mercredi 16 mai, depuis le début des combats, le 11 mai, semble prendre forme. Ghaza se remet à respirer. Les combats entre le Hamas et le Fatah ont nettement baissé en intensité, jeudi, faisant quatre morts - ce qui porte le bilan à une cinquantaine de victimes en une semaine. Le quartier Rimal, au coeur de violents combats, s'anime même si la plupart des boutiques restent fermées. Les habitants se précipitent dehors pour humer l'air, constater les dégâts et surtout refaire le plein de provisions épuisées par ce siège forcé. «Nos maisons sont devenues nos prisons. Quel sera l'avenir de nos enfants? Bientôt, ce sera la Somalie».
Nous maîtrisons la situation, affirme Mohammed, mais nous savons que le Hamas a installé des mines sur certains axes, alors nous orientons les véhicules. Originaire de Jabaliya, au nord de la ville de Ghaza, il assure que les islamistes enterrent leurs morts en cachette, la nuit, pour dissimuler le nombre de leurs pertes. Il les accuse de prendre la population en otage et d'utiliser des boucliers humains, promettant de montrer des photos.
Mission impossible
Depuis les combats du début de l'année, les forces loyales au Fatah donnent l'impression d'être plus efficaces, mieux organisées, plus déterminées. Des camionnettes assurent la relève et l'approvisionnement. Et pour cause, les Etats-Unis ont misé sur Mahmoud Abbas qui a reçu des fonds et des entraineurs pour moderniser sa garde présidentielle.. Les habitants de Ghaza ne se font guère d'illusions.(3).
Huit semaines après leur alliance gouvernementale, le Hamas et le Fatah n'arrivent pas à contrôler la gestion des Territoires. Le volet sécuritaire est celui qui en a le plus souffert. Pour le quotidien palestinien Al-Quds Al-Arabi, la récente démission du ministre de l'Intérieur risque de porter un coup fatal à ce gouvernement d'union.(4) Depuis la démission du ministre de l'Intérieur palestinien Hani Al-Kawasmi, le gouvernement d'union nationale [formé le 17 mars] est au bord du gouffre. Dès sa nomination, Hani Al-Kawasmi s'était rendu compte que sa mission était quasiment impossible à remplir, mais il ne voulait pas abandonner avant d'avoir essayé de rétablir l'ordre public. Le problème, c'est que sa marge de manoeuvre était extrêmement limitée. Les services de sécurité palestiniens ont toujours échappé à tout contrôle, Aucun ministre de l'Intérieur n'avait obtenu satisfaction dans ce domaine, même pas Nasr Youssef, qui était pourtant membre du Conseil central du Fatah. Nommé peu de temps avant la mort d'Arafat, il a dû encaisser un rude coup en découvrant que la plupart des services étaient corrompus et infiltrés. Selon lui, certains d'entre eux travaillaient pour le compte de l'étranger, comprenez les Etats-Unis et Israël. Plus fondamentalement, on peut se demander si le gouvernement d'union nationale pourra survivre à cette crise, alors que la Bande de Ghaza est ensanglantée par des affrontements entre les deux factions qui le constituent.(4)
Du côté israélien, outre les frappes de l'aviation, l'avancée défensive des blindés, une stratégie hypocritement humanitaire et pour mettre fin à ce cycle de violences, le principal quotidien israélien Yediot Aharonot se prononce en faveur du déploiement d'une force internationale dans la Bande de Ghaza «Les attentats à Gaza et la montée des périls en Cisjordanie ne vont pas être maîtrisés en un clin d'oeil. La Bande de Ghaza est au bord de la catastrophe humanitaire. L'Autorité palestinienne est incapable d'entretenir les infrastructures (électricité, eau), d'assurer les approvisionnements ou de répondre aux besoins sanitaires. Face à cette sombre réalité, et en prévision d'une réalité qui pourrait devenir bien plus dure encore, [Tzipi Livni] notre ministre des Affaires étrangères devrait rapidement s'envoler pour New York et exiger que le Conseil de sécurité des Nations unies se réunisse d'urgence. Il faudra alors qu'elle avertisse du désastre qui guette la Bande de Ghaza -et qu'elle propose une solution dans l'esprit de celle trouvée au Liban [le déploiement d'une force multinationale dans le sud du Liban, région frontalière avec Israël]. Aussi, la communauté internationale doit-elle organiser immédiatement l'envoi d'une force multinationale à Ghaza afin d'y rétablir l'ordre public, avant d'entreprendre quoi que ce soit d'autre. Ensuite, la communauté internationale devra créer une infrastructure permettant à la population locale de vivre dans des conditions normales jusqu'à ce que des accords diplomatiques soient conclus....» Nous y voilà: «diviser pour régner», maintenant que les Palestiniens s'autodétruisent, il ne reste plus qu'à les contenir grâce à un cordon sanitaire de l'ONU qui protégera du même coup Israël des incursions. «Dans le même temps, il est bien évident qu'Israël ne peut pas tolérer que les nombreuses armes passées en contrebande à Ghaza détruisent la ville de Sderot et menacent la ville méridionale d'Ashkelon. Israël devra donc continuer à combattre les terroristes palestiniens en utilisant des méthodes tactiques, jusqu'au moment où les pays occidentaux affirmeront qu'ils ne veulent pas envoyer leurs soldats à Ghaza. A partir de là, Israël n'aura plus qu'à élaborer une stratégie globale pour résoudre ses problèmes, tant à Ghaza qu'en Cisjordanie».(5)
En définitive, on retrouve toujours le même scénario, les Palestiniens que l'on disait très politisés, très éduqués et capables d'être des exemples pour la démocratie pour les autres pays arabes sont, une fois, de plus, tombés dans le travers de la division. Le vrai ennemi des Palestiniens est en eux, c'est ce gène si bien décrit par Ibn Khaldoun quand il écrivait que «Ittafaka el ‘Arab, an la yatafik»: «les Arabes se sont mis d'accord sur le fait de ne pas être d'accord». Naturellement, les espoirs de paix entrevus d'abord avec la Conférence de Madrid puis les accords d'Oslo puis les négociations de Why River sous l'égide de Clinton ont disparu dans les sables. Isaac Rabin, qui avait l'habitude de dire que «la Bible n'était pas un cadastre», et qu'il fallait faire la paix, aurait pu amener son pays à la paix contre les territoires occupés injustement. Quand on pense que les Palestiniens acceptent de vivre sur 22% de leur territoire, et qu'on leur propose à la place un banthoustan véritable peau de léopard, sans continuité territoriale. Le 15 mai, ce fut la grande Nekba, la catastrophe, la Shoah des Palestiniens: Israël se faisait reconnaître par les Nations unies qui ont voté par la suite des dizaines de résolutions contre Israël, notamment la 242 et que cette dernière ignore superbement. Les Occidentaux qui affament les Palestiniens qui ont mal voté, font mine de ne pas comprendre que ce sont eux qui sont à la base de cette situation. Leur responsabilité dans le calvaire des Juifs [bien instrumentalisé par Israël] ne doit pas être payée par les Arabes. De plus, ils ne font rien pour donner une chance de négociation incluant le Hamas qu'ils ignorent superbement. Ils veulent l'obliger à reconnaître par la force, l'Etat d'Israël sans contrepartie, ce que le Hamas ne veut pas faire.
Les Palestiniens auront un jour leur territoire, c'est inéluctable, ce sera au prix d'autres souffrances. Les puissances occidentales s'étonnent de cette gabegie vis-à-vis de la vie. Il est à espérer que ces dernières feront la part des choses. S'il est utopique de penser jeter les uns à la mer, il serait moral que les Palestiniens puissent enfin, vivre en paix sur ce qui reste de Ardhi falestine millénaire.
1.Michel Bôle-Richard.: A Gaza, le sang et la fureur Le Monde du 17 mai 2007
2.Rédaction: Gaza: calculs imbéciles Le Monde du 17 mai 2007
3.Michel Bôle-Richard: Le temps d'une trêve fragile, les Gazaouis s'arrachent à leurs abris mais sans illusions. Le Monde du 18 mai 2007
4.Al-Quds Al-Arabi: Le gouvernement d'union en sursis dans Courrier international 15 mai 2007
5.Yitzhak Shomron: Yediot Aharonot repris dans Courrier international: Pour éteindre l'incendie, Israël a besoin du pompier onusien. 18 mai 2007.


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