Résumé de la 3e partie En partant seul sur son radeau, William ne cherchait pas la gloire, mais à s?imposer une épreuve qui lui paraissait bénéfique. Il a surnommé ainsi un requin de trois mètres de long, brun, les nageoires bordées de blanc, un très beau spécimen de son espèce. D?autres requins viennent parfois rôder autour du radeau puis s?éloignent. Tom, lui, ne quitte pas son poste. Au début, sa présence a gêné un peu William, puis il s?y est accoutumé. Il pense que s?il tombe à l?eau, Tom le Long aura la dent sur lui avant qu?il ait eu le temps de se mouiller. La nuit, Tom le Long navigue à un mètre cinquante ou deux mètres de profondeur, mais il monte le jour à trente ou cinquante centimètres. William se demande ce qu?il peut manger et quand il mange. Ce qu?il lui jette ne lui permet certainement pas de se caler les joues. Sans doute peut-il jeûner un mois sans dommage. Il dort en nageant. Trois poissons pilotes de quinze centimètres naviguent juste devant ses terribles mâchoires et parfois le heurtent. Tom le Long ne leur prête pas la moindre attention. Mais nul ne peut jamais dire ce que fera un requin. Le soixante-dixième jour, dans la matinée, William, voulant pêcher un poisson, perd pied. Le voici en quelques secondes à cinquante mètres du radeau qui file dans le vent. Heureusement, il n?a pas lâché la ligne dont l?extrémité est accrochée au pied du mât. Doucement, pour ne pas casser ce filin minuscule auquel est suspendue sa vie, William se hisse, centimètre par centimètre. Sans cesse, il jette un regard autour de lui, car Tom le Long est là, qui commence à tourner, à tourner, le regardant de ses yeux blancs. Tom le Long va sûrement foncer sur lui ! Il attend le moment propice. Eh, bien, non ! Après une heure d?efforts, terrorisé, William parvient à se hisser sur son radeau sans que Tom le Long l?ait attaqué. Il y a aussi les tempêtes. Dans le grondement des éléments, de temps en temps, le bruit rassurant des objets familiers qui jouent leur rôle, tiennent leur place et auquel la vie du navigateur est suspendue. Et puis, brusquement, le bruit inattendu, inquiétant de la voile qui claque, d?une poulie qui ne devrait pas grincer, qui grince et qui peut lâcher? De temps en temps, William se fourre une poignée de sucre dans la bouche. Sous sa main maigre, il sent son visage émacié. Il n?a presque plus que les os et la peau. Il atteint le mysticisme, ainsi que l?indiquent ses notes : «C?est bien? Débarrasse-toi de ta chair, de cette chair des années passées, à demi morte et vouée à tomber en cendres. Prends un nouveau départ, fais-toi un corps nouveau, une chair vierge, un sang frais, qui soient ceux du voyage !» Le 9 septembre, William tombe du mât en voulant dégager une man?uvre coincée dans une poulie. Il ne tombe que de trois mètres mais sur la tête. Il s?évanouit, reprend connaissance à la nuit, s?évanouit encore et se réveille au soleil. Le 2 octobre, il écrit : «Soleil brûlant, calme plat?» «Les Sept petites S?urs» flotte sur le Pacifique désert. Sur le radeau encalminé, seuls sont dehors le perroquet, immobile dans sa cage accrochée au mât, et la chatte noire attachée. Pour la première fois, William s?est réfugié dans sa cabine. Il s?y tient immobile, toutes ouvertures closes, de manière à ne pas laisser passer un rayon de soleil? Il est aveugle. La veille du 1er octobre, après avoir observé la hauteur méridienne du soleil, il a perdu l?usage de la vue à 80%; puis un instant plus tard, complètement. Pendant ce délai de grâce, il a amené et refenté ses voiles, il a mis des graines dans la cage du perroquet, un bon morceau de poisson à côté de la chatte, puis il est entré dans sa cabine. (à suivre...)