Résumé de la 2e partie Willis souffre d?une hernie qu?il s?est faite avant le départ. A son 11e jour de navigation, il doit s?y prendre à dix fois pour man?uvrer. William a simplement souri. Cela voulait dire : «Un homme, avec la mer, n?est jamais seul.» Si William Willis voulait renouveler l?exploit du «Kon-Tiki», tout seul, ce n?était pas pour qu?on parle de lui. On avait déjà tellement parlé du «Kon-Tiki», qu?il savait parfaitement que, de lui, on ne parlerait pas du tout. C?est ce qui le distingue de tant d?aventuriers de la mer. Les navigateurs solitaires ne sont pas forcément des hommes sympathiques. Ce sont quelquefois des êtres asociaux en même temps qu?ambitieux, des gens timides en même temps que misanthropes, qui se réfugient sur un bateau pour mieux écraser de leur mépris la société des hommes. Ils la fuient parce qu?elle leur fait peur. William, ce n?est pas ça du tout. Il est ouvert, cordial, heureux. Il ne cherche ni l?argent, ni la publicité, ni la gloire. Il a voulu partir seul sur son radeau pour s?imposer une épreuve qui lui paraissait bénéfique. C?est un pur. La pauvre Teddy savait que William partirait, que rien ne pourrait l?empêcher. Elle le savait depuis qu?elle l?avait épousé : William, elle et la mer. «Je l?attendais à Callac, racontera Teddy. Nous avons passé quatre jours à l?hôtel. Le 22 juin, jour du départ, nous sommes descendus prendre notre petit déjeuner, puis nous sommes remontés quelques minutes dans la chambre. Je lui ai fait jurer de ne pas aller jusqu?en Australie. Il m?a promis de s?arrêter aux Samoas. Alors, j?ai eu confiance? Enfin? un peu plus confiance. Puis nous sommes sortis de l?hôtel, il y a eu deux heures affreuses, à cause des photographes et des journalistes qui nous tendaient des micros. Nous devions prononcer des paroles définitives et ils nous ont fait recommencer plusieurs fois notre scène d?adieux. Je n?en pouvais plus. mais tout de même je n?ai pas craqué. Le radeau s?est éloigné? J?ai trouvé la force de lui sourire une dernière fois.» Pauvre Teddy ! Elle est, maintenant, sans nouvelle depuis le 22 juin. Mais William n?a pas voulu ça. Il croit que les messages radio qu?il envoie, comme des bouteilles à la mer, lui parviennent. Au soixantième jour de navigation, catastrophe : les soudures des bidons qui contenaient sa réserve d?eau sont de toute part attaquées par le sel. Il lui reste trente-six litres. Que faire ?? Se contenter d?un bol d?eau par jour et s?arrêter aux îles Marquises ? Extraire l?eau des poissons pêchés en les écrasant ? Mais il lui arrive de ne pas voir un poisson pendant plusieurs jours. Boire l?eau de mer ? A bord des bateaux, William en a souvent bu pour faire fonctionner ses intestins. Voilà quatre ans, sur un pétrolier de la ligne de Port-le-Cruz, pour combattre l?effet des vapeurs d?essence, il buvait même un quart d?eau de mer tous les jours. Il est sûr, aujourd?hui, de pouvoir en boire au moins un bol par jour sans s?en apercevoir. William va donc boire sans dommage de l?eau de mer, gardant l?eau douce pour délayer sa «machica». C?est que, pour sa nourriture, William emporte deux aliments indiens, des plus grossiers, et non des rations scientifiquement calculées. L?un est de la «machica», l?autre du «raspadura». Il s?en est expliqué avant son départ : «La machica est l?aliment habituel des Indiens des Andes. C?est une farine de céréales. Ils la mélangent avec un peu d?eau, la roulent en boule et l?avalent. Pas de cuisine, pas besoin de casseroles. Cela vous donne la force d?un cheval. les Indiens en mangent sans arrêt lorsqu?ils transportent leurs énormes fardeaux à travers la montagne, dans l?air raréfié. Quant au raspadura, c?est du sucre brut. Avec la machica et le raspadura, je suis sûr de tenir de coup.» Le soixante-dixième jour, William pense qu?avec «Tom le Long», c?est la fin du voyage. (à suivre...)