Pleine lune. Elle brillait, ici plus qu'ailleurs, peut-être un ciel plus pur. On pouvait même distinguer les étoiles, claires, scintillantes. La lagune réfléchissait comme un miroir. Sur le côté, des barques couchées, échouées sur le sable attendaient : le jour, le pêcheur, un autre jour ? Des cris aigus, d'autres plus doux : des oiseaux sûrement. Charlotte tenait fermement la main de Thomas, pas question de se lâcher. Charlotte toute brune, grands yeux noisette, avec des cheveux qui commençaient à lui tomber sur les épaules, surtout quand ils étaient mouillés. Thomas était sûrement son frère, lui tout blond, avec de grands yeux verts gris et son petit air «scrogneugneu», juste le «scrogneugneu» qu'on aimait. Les deux enfants n'avaient pas peur, tout semblait familier, rassurant, et pourtant c'était la première fois qu'ils sortaient seuls la nuit. Ils ne comprenaient pas tout mais c'était bien eux devant la lagune et même pas de peur, pas un brin, comme dirait Némo, leur gentil chat ! D'ailleurs, la lune éclairait tellement qu'on se serait cru en plein jour. «Il y avait des arbres, mais ce sont des palmiers», dit Charlotte à Thomas. Oui, je crois, dit Thomas, mais je n'ai jamais vu de palmiers que dans des livres, si tu veux ce sont des palmiers, après tout.... Il aimait la forme élancée du tronc et le grand plumeau sur le sommet. Oui, oui, ce sont des palmiers ! Ils riaient doucement. Il faisait doux, un vent léger venait du large avec de fortes odeurs d'algues, fortes mais agréables. Et c'est là qu'elle apparut, de derrière un petit mur. Une femme, vêtue d'une longue robe blanche. On ne voyait pas ses mains, juste son visage, sous une épaisse crinière de cheveux rouges. Elle avait de grands anneaux d'argent aux oreilles et deux grands colliers de turquoises pendaient sur sa poitrine. On pouvait entendre le cliquetis de ses bracelets... — Tiens Charlotte, Thomas ? Dehors à cette heure ? En fait, je vous dis cela mais ici il n'y a pas d'heure. C'est toujours la bonne heure ! Nous sommes où ? se demandait quand même Charlotte, vaguement inquiète ? — Comment, vous ne savez pas ? vous êtes au pays des grands Arcanciels. — Des Arcanciels comme dans le ciel ? — Oui, mais ici les gens ont la peau de cette couleur, de ces couleurs, je devrais dire. Charlotte et Thomas se regardaient, incrédules. Elle doit se tromper, les gens normaux sont blancs, jaunes, ou noirs, mais pas de toutes les couleurs à la fois. — On peut voir ça dit Charlotte ? — Je ne sais pas encore. — Faut voir qui ? — En fait, parfois certains sont plus rouges ou plus jaunes que d'autres ou plus bleus, mais c'est toujours très joli à voir, du plus bel effet !!!!! — Super, je voudrais être bleue se dit Charlotte. — Et moi tout jaune, là c'était Thomas qui parlait. C'était sa couleur préférée et quand il faisait de la peinture, parfois, on le confondait avec le papier peint de sa chambre, tellement il se barbouillait, oui je serai tout jaune et je ne me ferai même pas gronder. A suivre Contes merveilleux