J'ai rejoint le maquis en 1956, après avoir participé avec les moussebiline à plusieurs opérations de sabotage, brûlant les fermes et les récoltes des colons de la Mitidja, détruisant des ouvrages électriques et des centraux téléphoniques, abattant des policiers, des gardes champêtres français et des traîtres algériens. L'A.L.N. avait décidé d'envoyer à Marengo (actuellement Hadjout) un groupe composé de Sid Ali Hocine, Mohamed Allouane et Ah Fettaka, pour y déclencher une série d'attentats. Nous nous trouvions dans un refuge au douar Djabib, près de Meurad, lorsque Sid Ali Hocine, Mohamed Allouane et Ali Fettaka vinrent m'annoncer qu'ils avaient été désignés pour se rendre en ville pour accomplir une mission, en m'expliquant son objet. «Qui en a décidé ainsi ? Questionnais-je. - C'est le responsable, Si Naïf (encore vivant au moment où j'écris ces mémoires) , il se trouve dehors à côté», me répliquèrent-ils. Je suis allé voir Si Naïf, officier de l'ALN, de la plus excellente trempe qui soit, que j'aimais et respectais énormément. M'adressant à lui, je lui dis d'une voix troublée : «Si Naïf, je tiens à tout prix à participer à cette mission avec me compagnons, je voudrais que tu me permettes de faire partie du groupe de fidaïyne désignés pour cette opération.» Si Naïf, fin et subtil psychologue, parut quelque peu étonné que je vienne me porter volontaire pour cette action. «Mais toi, Si Cherif, me rétorqua-t-il, tu as été désigné, pour assumer une autre responsabilité», «certes, j'en conviens approuvai-je, mais pas avant d'avoir accompli cette action avec mes compagnons.» Et ce fut ainsi que notre bon et inoubliable Si Naïf, a accepté que je fasse partie du groupe désigné pour cette mission de choc au centre même de ma ville natale, Marengo. Je dois dire ici que cela faisait longtemps déjà que j'avais échafaudé dans ma tête un plan d'action au sein de la ville coloniale de Marengo qu'il me tenait beaucoup à cœur de mettre à exécution. Ayant remarqué que Si Naïf avait une grenade accrochée à son ceinturon, je le priais de me la donner pour la lancer à l'intérieur d'une brasserie (un café bar) ; Sid Ali, devait, quant à lui, attaquer le salon de coiffure d'un colon, alors que Mohamed Allouane et Ali Fettaka devaient jeter une bouteille de cocktail-Molotov à l'intérieur du magasin d'un commerçant dénommé Fitoussi. Notre mission se présentait comme particulièrement difficile à accomplir, très dangereuse, en raison du fait que la ville de Marengo (Hadjout), comme on le sait très bien, se trouvait au cœur même de la grasse et riche plaine de la Mitidja, loin des escarpements montagneux, dans un environnement topographique se prêtant très mal aux nécessités du camouflage et du repli rapide, qui, pour les groupes de choc de l'A.L.N., représentaient les principaux atouts et avantages face à la supériorité numérique, matérielle et stratégique des troupes régulières de l'armée coloniale française. Nous étions tous conscients de ce sérieux handicap que nous avions à surmonter pour la réussite de notre mission, et, comme nous en discutions, Si Ahmed Maroc, le chef des moussebihine, prit la parole pour nous annoncer qu'il se portait volontaire pour tendre une embuscade à la sortie de la ville, sur le pont menant à Cherchell, afin de nous assurer une couverture lorsque les soldats français se lanceraient à notre poursuite. (à suivre...)