Quelques jours après cette décision de nomination en qualité de Commissaire politique, je me trouvais avec Si Ahmed Mahiouz de Ameur El-Aïn, un moudjahid de la toute première heure qui avait fait partie des premiers groupes ayant participé au déclenchement de la lutte armée dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1954. Je lui dis : «Si Ahmed, je désire être incorporé dans une unité combattante, me battre les armes à la main plutôt que d'être un responsable politique. Cela ne convient pas à mon tempérament, car je ne me sens pas disposé à jouer à cache-cache avec l'ennemi ; j'aurais alors le sentiment de fuir l'affrontement.» «Patiente encore un peu», se contenta-t-il de me répondre. Le soir même, nous avons rencontré le commandant Si Salah Zaamoum, le docteur Si Saïd Hermouche Arezki, ainsi que Si Naïf. Celui-ci m'a alors présenté à ces grands responsables, en leur disant: «Voici, Si Cherif. C'est lui qui est entré avec un commando dans la ville de Marengo et qui a réussi à accomplir les attentats spectaculaires que vous savez.» Si Salah et Si Saïd lui ont répondu : «Oui, nous sommes parfaitement au courant ; d'ailleurs, tous les journaux de la presse coloniale en ont fait état». Et de nous exhiber alors, à l'appui de leurs dires, Le Journal d'Alger, L'Écho d'Alger et La Dépêche Quotidienne, dont les plumitifs attitrés rapportaient qu'un commando de fellaghas avait fait une incursion dans la ville de Marengo et y avait perpétré des attentats qui devaient se solder par plusieurs blessés dans la brasserie Alexis. Se tournant vers moi, Si Naïf me dit : «Es-tu toujours volontaire pour faire des attentats avec tes compagnons ? — Oui, répondis-je sans hésiter, mais cette fois-ci, je propose que nous allions faire un mitraillage analogue à celui de Khemis Miliana.» En parlant ainsi, je pensais à mon ami Kouider Touhami qui possédait une Simca Aronde. Si Naïf sourit en se frottant les mains, puis quand je lui fis remarquer que nous avions besoin de mitraillettes pour l'action que nous projetions d'accomplir, il me dit d'un air faussement naïf : «Mais c'est facile, allons donc : une fois que vous serez en ville, vous n'aurez plus qu'à délester les soldats de leurs mitraillettes et puis après vous faites votre mitraillage.» Ne m'attendant pas du tout à ce trait plaisant de sa part, je le regardais avec une stupéfaction visible, tout à fait déconcerté par sa réponse. Venant à ma rescousse, Si Salah Zaamoum et Si Saïd Hermouche se sont adressés à Si Naïf et lui dirent : «Ça va, ça va.» Se tournant ensuite vers moi, ils me demandèrent : «Que comptes-tu faire maintenant ?» J'ai répondu : «Je désire être incorporé dans une unité combattante.» Ils échangèrent des regards d'un air approbateur, puis Si Saïd ouvrit sa musette d'où il retira une veste militaire qu'il me tendit, tandis que le commandant Si Salah m'offrait un pantalon militaire en me disant avec un large et beau sourire : «Revêts-moi ça, et grand bien te fasse !». Puis sans plus tarder, Si Salah rédigea une lettre, qu'il tendit ensuite à Si Ahmed Mahiouz, en lui disant : «Le Commando est au douar voisin Yasmat. Tu vas accompagner Si Cherif et remettre cette lettre à Si Zoubir.» (à suivre...) Par Mohamed Cherif Ould El Hocine