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La bataille de Sidi Mohand Aklouche
SPECIAL NOVEMBRE 1954 NOVEMBRE 2004
Publié dans L'Expression le 30 - 10 - 2004

J'apporte mon témoignage de ma participation à un accrochage de l'ALN avec l'armée française au douar Si Mohand Aklouche dans la daïra de Cherchell, région III zone II de la Wilaya IV.
Notre commando qui portait le nom de notre valeureux chahid Si Zoubir - de son vrai nom Tayeb Souleimane - qui a été tué le 22 février 1957 au douar Sebaghnia dans la région de Blida, lors d'une opération héliportée de parachutistes où 27 lycéens, dont une jeune fille, ont trouvé la mort.
Notre commando est composé de 36 moudjahidine dont l'âge varie de 17 à 27 ans. Chacun de nous avait fait ses preuves de courage dans une mission de fidayine. Notre chef, Si Moussa, de son vrai nom Kelouaz Si Moussa, son adjoint, Si Ahmed Khelassi, et Chamouni Abdelkader, tous les trois originaires d'Aïn Defla et déserteurs de l'armée française lors de la guerre d'Indochine. Parmi nos compagnons, 3 ou 4 ont fait leur service militaire, tels Brakni Si Braham, Maamar Si Maamar de Oued-Djer, nous avaient beaucoup servi avec leurs instructions militaires et leurs connaissances des armes.
Le mercredi, 24 avril 1957, nous étions sur la route de Cherchell qui mène vers les montagnes du Zaccar, durant cette journée l'ennemi ne s'est pas manifesté à part l'aviation qui survolait la région. En fin d'après-midi, nous avons regagné nos refuges au douar Hayouna, dans la daïra de Cherchell.
Un agent de liaison apporta une lettre du capitaine Si Slimane que Si Moussa m'avait donnée à lire. Elle faisait état des interventions fréquentes (presque tous les jours) des parachutistes au douar Sidi Mohand Aklouche, pour terroriser les habitants il nous demandait de les attaquer et mettre fin à leurs agissements néfastes.
Après un repos de quelques heures au douar Hayouna, nous sommes partis en direction de Sidi Mohand Aklouche. Il nous a fallu 7 heures de marche pour arriver au douar. Il faisait froid, le vent était glacial, il était 3 heures du matin, Si Moussa a choisi un emplacement pour une éventuelle embuscade, malheureusement l'ennemi ne s'est pas manifesté. Nous sommes sortis de la forêt vers 16 heures pour aller au douar voisin. Les habitants étaient étonnés de nous voir, se demandaient d'où nous sortions. Ils nous ont accueillis chaleureusement en se pressant de nous préparer les refuges pour nous permettre de nous reposer.
Le jeudi 25 avril 1957, c'était la veille du 27e jour du Ramadan «Leilat El Kadr», le moudjahid Si Abderrahmane Sahnoun d'El Biar—l'infirmier de notre commando—nous avait promis de nous préparer une bonne zalabia dont il détient la recette de sa mère. En attendant el maghreb, nous nous sommes baignés dans les eaux limpides de l'oued, nous étions heureux comme des enfants, jouant avec l'eau, donnant des coups sur le dos de notre compagnon Si Listiklal qui nous dit: «Faites ce que vous voulez ; demain Incha'Allah, je sens que je vais vous quitter ; je vous devancerais au Paradis ; je serais chahid Incha'Allah.» Nous lui répondions que nous le serions avant lui, tout en continuant à le frapper.
Après la rupture du jeûne «el-ftour», nous avons dégusté la succulente zalabia préparée par Si Abderrahmane. Nous avons chanté des hymnes patriotiques «Min Djibalina, Fidaou El Djazaïr...» Après, nous avons fait notre prière en demandant à Dieu de nous faire sortir victorieux de la bataille de demain. Si Moussa nous demanda de nous reposer quelques heures pour être en forme, la journée de demain risque d'être dure.
Le vendredi 26 avril 1957, à 2 heures du matin, nous sommes sortis silencieusement du refuge. Nous avons repris notre emplacement de la veille à quelques centaines de mètres du douar Sidi Mohand Aklouche. Il faisait toujours froid, nous n'étions pas loin du littoral et de la route nationale reliant Cherchell à Gouraya. Le ronflement des moteurs nous parvenait vers 4 heures du matin, mais on ne pouvait pas le situer. Entre le douar et l'endroit où nous sommes embusqués, il y avait une clairière et un champ de blé et tout à coup nous avons aperçu des soldats français. Les uns encerclaient le douar, les autres, en formation de combat, avançaient vers nous. Nous avons compris que nous avons été trahis, c'est normal, car nous sommes restés trop longtemps dans le secteur, alors que d'habitude nous ne restons pas plus d'une journée au maximum.
Notre plan d'attaque n'était plus valable, il fallait changer de tactique. Le soleil se levait à l'horizon, nous ne pouvons leur faire face.
Si Moussa nous ordonna un repli rapide. Tout au fond de nous, nous voulions combattre, nous avions l'avantage d'être dans la forêt, l'ennemi se trouvait à découvert. Si Moussa voulait surtout gagner du temps, trouver une autre position stratégique. Une distance de 50 à 60 mètres nous séparait de l'ennemi qui avançait toujours. Nous entendions l'ordre de leur commandant qui hurlait: «Avancez, avancez et tirez à volonté.» Ils commencèrent à tirer sur nous. Nous étions un peu inquiets, car nous avons reçu l'ordre de ne pas riposter. Si Moussa nous ordonna le repli vers l'arrière, l'ennemi continuait à tirer, heureusement que nous étions dans la forêt, les arbres nous protégeaient des balles.
Le commandant français continuait à donner des ordres à ses soldats: «Avancez, avancez, tirez.» Pour freiner leur élan, le moudjahid Si Mahmoud Enemri, de Hammam-Melouane, tira sur eux quelques rafales de sa mitraillette Thomson américaine pour les bloquer. Notre repli consistait à occuper une crête élevée d'une montagne, pour cela nous devons traverser un terrain découvert de quelques dizaines de mètres. En face, l'ennemi avait placé un fusil mitrailleur pour nous empêcher d'accéder à ce point stratégique qu'est la crête, que lui aussi convoitait. Pour nous couvrir, Si Moussa avait pris position derrière un rocher, il tirait en direction du fusil mitrailleur pour le neutraliser en nous disant «vite, vite, la crête». On devait passer un par un, couverts par les tirs de la carabine US de Si Moussa. A notre droite se trouvaient les paras qui couraient pour prendre la crête. Le moudjahid Si Tahar avait atteint le sommet de la crête le premier, il a pris position, tirait sur les paras avec son fusil Garand pour les stopper, Si Tahar hurle en tirant, criant «Allahou akbar» sur les paras et nous faisait des appels «avancez, mes frères, avancez». Nous sommes tous passés sans aucune perte humaine, nous avons devancé les paras en prenant le haut des montagnes.
Sur cette crête de la montagne, il y avait trois pitons distancés l'un de l'autre d'environ 10 mètres. Nous étions trois groupes de 11 moudjahidines. Si Moussa plaça un groupe sur chaque piton. Nous nous sommes installés avec beaucoup de calme, nous étions prêts à faire face à l'ennemi. Notre position dominait tout le terrain, on pouvait voir tous les déplacements des soldats français. Il y avait le 29e bataillon de tirailleurs qui avait sa base à Fontaine du Génie, actuellement Hadjrat Ennous, à droite les soldats martiniquais et sénégalais à gauche les parachutistes. Nous étions heureux tout en observant le mouvement de l'ennemi qui se préparait à nous attaquer. Il était 8 heures du matin, c'est trop tôt pour nous, le temps n'était pas à notre avantage. Nous aurions souhaité que ce soit l'après-midi pour pouvoir nous replier à l'approche de la nuit. Nous étions joyeux, Dieu nous a donné cette occasion, cette journée du vendredi pour combattre et mourir en ce 27e jour de Sidna Ramadan. Nous chantions «Min Djibalina», faisant entre nous les adieux, souhaitant la mort, nous donnant rendez-vous au Paradis. Notre frère Istiklal qui nous disait qu'il serait le premier au Paradis était plus joyeux que nous. Nous lui avons donné le surnom Istiklal lors d'une discussion sur l'avenir de notre Pays. Notre compagnon Istiklal—de son vrai nom Benmira Tayeb— ne comprenait pas le sens du mot Istiklal (l'indépendance). Il nous a demandé de lui expliquer le sens de ce mot. On lui avait dit : «Quand on chassera le colonialisme français et son armée, l'Algérie retrouvera son indépendance.» Si Tayeb ne comprenait pas, il disait: «Moi, je combats pour mourir en tant que moudjahid fi sabil Allah», et c'est à partir de ce jour que nous l'avons surnommé Si «l'Istiklal».
Une partie des soldats français se trouvant à notre droite a reçu l'ordre d'avancer pour nous attaquer. Si Moussa ordonna au chef de groupe Si Larbi d'El Attaf de descendre sur un talus en contrebas à une dizaine de mètres de notre position lui demandant de laisser approcher l'ennemi le plus près possible de ne pas faire l'assaut (el houdjoum) lui ordonnant le repli à la position initiale après les tirs sur la première vague de soldats martiniquais et sénégalais.
L'ennemi ne s'est pas aperçu du changement de position du groupe de Si Larbi qui avançait toujours, il fut reçu par un feu nourri, des dizaines de soldats furent tués et les blessés étaient tirés par le col ou les pieds par leurs collègues. Un Martiniquais, blessé, rampait affolé, tirait avec son fusil mitrailleur. Surpris et pris de panique, les soldats pensaient que les moudjahidine allaient faire l'assaut pour récupérer l'armement, comme d'habitude. Après cette attaque, notre groupe avait repris sa position sur la crête.
Le silence était total, les soldats ne bougèrent plus cherchant la solution pour pouvoir nous déloger. Ils avaient sous-estimé notre force de frappe et notre volonté, croyant avoir affaire à des moussebiline armés de fusils de chasse alors qu'ils furent reçus par des armes automatiques. L'ennemi avait changé de tactique après ce revers. Pendant ce temps-là, nous étions tout heureux de notre avantage, nous étions décidés à combattre jusqu'à notre dernière goutte de sang. A notre gauche, des centaines de soldats nous faisaient des signes en criant: «Nous sommes des soldats algériens musulmans, nous voulons nous joindre à vous, pour combattre avec vous contre les militaires français...» C'était des harkis. Si Moussa a répondu: «Avancez, si vous avez de bonnes intentions et la volonté d'être avec nous, nous ne tirerons pas.» Si Moussa avait flairé la ruse des harkis ; il nous ordonna d'ouvrir le feu sur les traîtres sans faire usage des armes lourdes mitrailleuses pour ne pas dévoiler à l'ennemi nos capacités.
Au signal de Si Moussa, nous avons ouvert le feu. Le tir a été spontané par nos trois groupes il a duré quelques minutes. Les harkis surpris ont été foudroyés; ils se sont sauvés laissant leurs morts et blessés sur le terrain. C'est ce que méritent les traîtres à la Nation algérienne.
De nouveau le silence ; l'ennemi avait évalué notre force, a su qu'il avait affaire à un commando mais n'arrivait pas à nous situer. Il cherchait par quel moyen nous déloger de cette montagne. Ses deux tentatives n'ont pas réussi. Les soldats sénégalais et martiniquais, qui étaient à notre droite, ont été repoussés par le groupe de Si Larbi. L'autre tentative des harkis, qui voulaient nous avoir par la ruse, notre haine à leur infidélité a été sans pitié, nos tirs étaient précis ; je les voyais sauter, faire des bonds, puis retomber morts. Ce fut une grande satisfaction pour nous.
L'ennemi avait installé son PC un peu plus loin ; par radio, il a fait appel à l'aviation. Pendant quelques minutes, deux avions bombardiers type B26 survolaient la zone de combats sans pouvoir larguer leurs bombes sur nous, au risque de toucher leurs soldats qui étaient à proximité ; ils ne pouvaient aussi voler à basse altitude du fait de la mauvaise visibilité et de la hauteur de la montagne, au risque d'être abattus par nos tirs. Les avions B26 inopérants étaient repartis et ont été remplacés par deux avions T6 Morane (Jaguar) qui nous survolaient.
Si Moussa nous demanda de nous préparer à faire face aux avions chasseurs, particulièrement aux tireurs de fusils mitrailleurs, Si Maamar et Si Benaicha munis de FM BAR américain, Si Tayeb disposait d'une mitrailleuse 30 américaine. Les avions chasseurs commencèrent à piquer sur nous, nous attaquant aux roquettes. Sur ordre de Si Moussa, en position debout, tête en l'air, les armes sur l'épaule, nous tirions sur les deux avions qui tournaient au-dessus de nous, nous attaquant avec des roquettes ; nous étions bien couverts par les rochers. Les deux pilotes ont amorcé un grand virage pour charger de nouveau; Si Moussa a crié aux tireurs de pièces: «A vous, tirez, tirez.» Très rapidement, nos tireurs de pièces Si Maamar, Si Benaicha et Si Tayeb se sont levés ensemble et tiraient debout sur les avions chasseurs T6. Surpris par nos tirs, les deux pilotes n'ont pas eu le temps de réagir, ignorant que nous disposons d'armes lourdes, ce fut trop tard ; les avions ont été touchés; l'un a pris feu et est tombé dans la mer, tandis que l'autre, atteint également, s'est écrasé plus loin. Notre joie était immense, abattre deux avions est très important et cela, malgré que nous étions encerclés. Nous nous sommes exposés lors de nos tirs sur les avions; grâce à Dieu, leurs roquettes n'ont touché aucun d'entre nous. C'était un spectacle; les habitants des douars proches qui suivaient le cours des événements n'en croyaient pas leurs yeux après la destruction des deux avions les encouragements, les youyous des femmes: «Allah Yansserkoum Ya El Moudjahidines.» Nous avons donné une leçon de bravoure, de courage, de sacrifice et de foi à l'armée française qui était réduite à regarder le spectacle dans le ciel.
La seule solution pour l'ennemi était de faire appel à d'autres avions ; pendant ce temps-là, il y avait un calme absolu, un silence total malgré la présence de milliers de soldats français autour de nous, nous étions les plus forts car notre combat est juste, c'est grâce à la bénédiction de Dieu le Tout-Puissant et notre foi en lui. Effectivement quatre avions chasseurs Morane T6 arrivaient pour nous attaquer de face. Si Moussa nous demanda de nous préparer, de bien nous abriter dans les rochers. Les quatre avions nous survolaient, l'un de face, l'autre derrière nous ; le troisième à gauche et le quatrième à droite, ils tournaient sur nos têtes, il nous était difficile de faire face. Ils tiraient, lançaient des roquettes avec acharnement sans trop s'exposer aux tirs de Si Maâmar et Si Benaicha. C'était infernal, Si Moussa cherchait une solution pour éviter le déluge de feu par un éventuel repli. Le temps était brumeux, nous étions près du littoral, seul un changement de temps pourrait nous sauver. Dans nos esprits, dans nos coeurs, on priait Dieu de faire quelque chose pour être à l'abri de l'aviation. Quelques minutes plus tard, la montagne était enveloppée par un brouillard épais comme un tapis qui nous séparait de l'aviation. Dieu le Tout-Puissant a exaucé nos prières, c'est un miracle d'Allah. Si Moussa nous ordonna de décrocher en vitesse, de nous replier en arrière et suivre le flanc de la montagne.
Il était midi, il faisait un peu sombre, nous étions satisfaits de ce combat livré aux soldats français. Subitement, je ne sais comment, j'ai glissé pour tomber dans le ravin; dans ma chute je me suis accroché à une branche d'arbre et j'ai vu passer le moudjahid Brakni Braham, à qui j'ai fait appel pour me tirer de là. Il s'est penché pour m'aider lorsque juste par malheur le brouillard s'est dissipé. Le pilote d'un T6 nous a repéré, il nous poursuivait. Brakni Braham est allé s'abriter en me criant: «Si Cherif, lâche-toi.» Je lui répondis que mon point de chute est profond ; il m'a répondu qu'il était préférable de sauter. Effectivement, le pilote venait sur moi; j'ai lâché la branche et pensais que j'aurais les jambes fracturées après avoir sauté de cette hauteur. Grâce à Dieu il n'en fut rien, des roquettes éclataient en haut de l'endroit où j'étais. J'ai couru pour rejoindre mes compagnons. Nous étions en danger dans l'oued, poursuivis par les quatre avions T6 nous attaquant aux roquettes. On courait en zigzaguant, les pilotes nous tiraient dessus. On continuait notre course, on avait soif pendant ce mois de Sidna Ramadane, on avait bu quelques gorgées d'eau de l'oued, quelques compagnons n'ont pas voulu rompre le jeûne. Les soldats français, appuyés par l'aviation nous poursuivaient toujours, nous ripostons par nos tirs. Soudain, notre frère l'Istiklal tomba, touché par une roquette au ventre, il a été grièvement blessé et on n'a pu le porter. Nous aurions souhaité le secourir, mais les circonstances ne le permettaient pas. L'istiklal conscient, il nous disait: «Je vous disais hier que je vous quitterai, je serais fi Djenat El Ferdousse avant vous.» Il était heureux, rayonnant de joie. Il continuait à parler, disant: «Prenez mon arme, transmettez mon salut à mes compagnons et si un jour vous êtes de passage au douar Mira ; dans la région de Theniet El Had passez le bonjour à ma famille, embrassez ma fille et maintenant, laissez-moi mourir.»
N'ayant pas le choix, l'ennemi derrière nous, nous l'avons déposé dans un endroit camouflé. Les dernières paroles du chahid furent: «Pressez-vous de partir, vite, vite, partez ; adieu ne vous en faites pas pour moi; je vous disais que je vous devancerai au paradis.» En principe, on ne laisse jamais nos martyrs sur le terrain. On les enterrait dans un endroit discret, ce fut la première fois que cela nous arrivait; on n'avait pas le temps. Les larmes aux yeux, nous avons fait nos adieux au brave et courageux Si l'Istiklal Benmira Tayeb.
Après ce moment de forte émotion; nous avons repris notre course pour rejoindre nos compagnons. Aux environs de 16 heures, Si Moussa nous ordonna de sortir de l'oued pour prendre position en un endroit stratégique pour faire face à l'aviation, aux soldats français qui étaient derrière nous. Avant de nous installer et placer nos pièces mitrailleuses, les 4 pilotes des T6 ont refusé le combat. Ils avaient flairé le danger qu'on pourrait les abattre. Les soldats également ont rebroussé chemin car la nuit commençait à tomber. Les habitants qui ont suivi le déroulement de notre combat ont applaudi en voyant la fuite de l'aviation. La bataille de Sidi Mohand Aklouche qui était à notre avantage avait duré du matin au soir. Nous nous sommes dirigés vers un douar proche où les habitants nous ont préparé un refuge. Nous avons été accueillis chaleureusement par la population qui a suivi cette bataille en direct.
Une heure après, Si Moussa désigne trois moudjahidines pour ramener le corps de Si l'Istiklal. En cours de route ils ont rencontré des civils. Ces derniers ont informé nos Moudjahidines que les soldats français, à notre poursuite, ont découvert l'Istiklal. Un lieutenant français s'adressant à lui, lui disant : «On t'a eu, sale fellaga.» L'Istiklal a eu le courage, la force de se lever à genoux et s'était permis de cracher sur le lieutenant. Ce dernier l'acheva de trois balles. Après le départ des Français, les civils l'ont enterré. Allah Yarham Echouhada. En cette journée du vendredi du 27e jour éblouissant de sidna Ramadan - Leïlat el Kadr -, nous avons triomphé dans la grande bataille de Sidi Mohand Aklouche, malgré le nombre impressionnant de soldats français, l'armée française n'a pu venir à bout de notre résistance, de notre volonté de fer. Notre arme est la foi en Dieu. A certains moments nous étions dans une situation désespérée, alarmante. Dieu a exaucé nos prières, il ne nous a pas abandonné : Mouadjizat El Illah (les miracles de Dieu).
L'ennemi, comme à son habitude pensait avoir affaire à des moussebilines sans armes automatiques. Il a constaté qu'il a eu affaire à des moudjahidines équipés d'un armement moderne qui ont repoussé ses deux tentatives d'invasion laissant plusieurs morts et blessés sur le terrain ainsi que la destruction de deux (02) avions de chasse T6. Il a constaté aussi qu'il avait affaire au Commando du Chahid Si Zoubir. Les armes lourdes, automatiques de notre Commando ont été récupérées lors de l'embuscade de Beni Menacer (Tizi-Franco), le 9 janvier 1957:
- Une mitrailleuse type américain 12/7
- Une mitrailleuse type américain 30
- Deux fusils-mitrailleurs type FM BAR
- Plusieurs fusils type grand et MAS 56
- Des carabines US américaines, des mitraillettes MAT 49, des pistolets, des caisses de munitions et des grenades
L'armée française savait que notre Commando était redoutable dans toute la région ; il est sorti plusieurs fois victorieux comme dans la grande bataille de Tamezguida dans les montagnes de Chréa (Blida) contre le Commando noir du colonel Bigeard, le 22 mars 1957. On avait abattu plusieurs soldats français, dont le lieutenant Guillaume, fils du général Guillaume.
Dans cette bataille de Sidi Mohand Aklouche l'ennemi a subi de grandes pertes, elles s'élèvent à plus de 64 morts et à des centaines de blessés, 2 avions de chasse T6 Morane (Jaguar) abattus. Quant à nous, les moudjahidines, nous avons déploré un mort, le chahid Si l'Istiklal Benmira Tayeb, et deux blessés. C'est une cuisante défaite pour les soldats français, leurs valets et les infidèles harkis et goumiers.
Gloire à nos martyrs.


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