Gêne n La publication de milliers de documents secrets brossant un tableau sombre de la situation en Afghanistan place la Maison-Blanche sur la défensive. Les milliers d'archives secrètes diffusées dimanche dernier sur un site internet jettent une lumière crue sur la guerre en Afghanistan, avec des révélations sur les victimes civiles et les liens supposés entre le Pakistan et les insurgés, provoquant la colère de Washington et de ses alliés. Au total, environ 92 000 documents remontant à 2004 ont été divulgués après avoir été transmis au New York Times, au quotidien britannique The Guardian et à l'hebdomadaire allemand Der Spiegel. Emanant notamment de l'ambassade des Etats-Unis à Kaboul, ces «rapports» font état par exemple d'une influence grandissante de l'Iran en Afghanistan, d'un soutien de Téhéran aux insurgés islamistes et d'une corruption à grande échelle qui contrarie la lutte contre la rébellion. Le New York Times a souligné que ces archives illustrent «avec un luxe de détails les raisons pour lesquelles, après que les Etats-Unis eurent dépensé presque 300 milliards de dollars dans cette guerre, les talibans sont plus forts qu'à tout autre moment depuis 2001». Selon The Guardian, au moins 195 morts civils sont recensés dans ces archives, un chiffre «probablement sous-estimé» par rapport à la réalité. La plupart de ces décès sont provoqués par des tirs de soldats nerveux à des postes de contrôle. Mais d'autres cas sont révélés, comme celui d'un homme sourd-muet, abattu alors qu'il tentait de fuir une équipe de la CIA arrivée dans son village et qui lui avait demandé de s'arrêter. Les allégations les plus sensibles visent le Pakistan, allié stratégique de Washington, accusé d'autoriser des membres de ses services de renseignement à traiter directement avec les talibans. Selon le New York Times, des agents pakistanais et des talibans se rencontrent régulièrement afin d'organiser «des réseaux de groupes d'insurgés qui combattent les soldats américains en Afghanistan et des dirigeants afghans». Les documents révèlent aussi que les talibans ont probablement utilisé un missile sol-air à guidage infra-rouge pour abattre un hélicoptère américain en Afghanistan en 2007, faisant sept morts. «Aucun gouvernement n'aime voir publier ses secrets», explique un expert en stratégie du Centre pour les études internationales et stratégiques (CSIS) de Washington. Selon lui, ces révélations sont surtout explosives dans le sens où elles contredisent l'optimisme affiché jusqu'ici par l'administration. Ces documents révèlent des victimes civiles jusqu'ici non rapportées et des liens supposés entre les services secrets pakistanais et les insurgés, autant d'informations qui ne vont pas rendre plus populaire auprès des Américains une expédition coûteuse en vies entrant bientôt dans sa 10e année.