Déclin n Le village Ihitoussène, berceau de la forge dans notre pays, ne compte aujourd'hui qu'un seul forgeron exerçant au centre-ville de bouzeguène. Dans ce village qui porte le nom de Ihitoussène, pluriel du mot berbère ahitos qui veut dire forgeron ou encore fils du dieu de la forge dans la mythologie grecque, seul Dda Salah, 67 ans, le dernier forgeron, occupe une petite baraque aménagée de sorte à accueillir un métier ancestral qui vit «ses derniers instants.» Une vingtaine d'années en arrière, «le village vivait au rythme des marteaux battus tantôt contre le fer tantôt contre l'enclume des forgerons qui se dénombraient alors par dizaines», nous raconte Kaci Mohand, un ex-forgeron. Celui-ci nous invite à visiter la plus ancienne forge où exerçaient les tout premiers forgerons du village. «C'est de cet atelier que sont nés les pionniers de la forge et de la maréchalerie au Maghreb, pour ne pas dire en Afrique», nous dira salem, fils de forgeron, qui ne se lasse pas de la recherche dans tout ce qui est relatif à ce métier, notamment dans l'histoire de son village. Ici, la découverte est étonnante : des objets rares aujourd'hui, probablement conçus durant les premières années du XXe siècle, sont là pour témoigner d'une époque où seul le pouvoir des enclumes faisait venir des hommes des autres régions, même des plus éloignées de la Kabylie, pour se procurer des outils de labour fabriqués par les ingénieux forgerons d'Ihitoussène. Mais ces dernières années, le village d'Ihitoussène, comme tous les autres d'ailleurs, a été balayé par le vent de la modernité dictant de nouveaux modes de vie qui ont effacé, peu à peu, celui qui y prévalait depuis des siècles. Du coup, l'agriculture rurale qui fut le garant de l'économie du village est délaissée progressivement, induisant des pertes considérables à une activité ancestrale qui se voit retirer des commandes de fabrication d'outils indispensables à la vie rurale, jusque-là. Ainsi, les villageois investissent d'autres créneaux plus juteux changeant la nature de leurs besoins qui généralement ne dépendent pas de la seule ingéniosité des forgerons. Ceux-ci, voyant leur activité en diminution constante, menaçant même leur gagne-pain, ferment leurs ateliers pour se lancer, à leur tour, dans d'autres créneaux plus porteurs. Toutefois, «les Ihitoussène ne sont pas les seules victimes de la modernité mais c'est tout le village qui a subi une métamorphose», nous dit-on. Ainsi, le village s'agrandit, de nouvelles constructions débordant, parfois injustement au détriment des anciennes. Ces dernières, même si elles sont épargnées par la démolition, une fois abandonnées ne résistent pas aux assauts de la nature. Dans ce village, les notables rencontrés nous citent les quartiers d'Annar, l'Hara At Moussa, Thakhamt Ikharrazene, Thala, qui renferment les plus anciennes maisons, et qui se sont presque vidées. Les maisons sont en grande partie démolies ou affaissées.