Fête n Le groupe Tagrawla, l'un des pionniers de la chanson kabyle moderne, a enflammé jeudi soir la salle Sierra Maestra d'Alger. Après 20 ans d'absence de la scène algéroise, le groupe a marqué son retour par un concert exceptionnel. C'est donc la salle Sierra Maestra qui était à l'honneur de ces retrouvailles avec son public. 22h, la salle était presque archicomble : vieux, jeunes et moins jeunes s'échangent gaiement, déchirant le silence qui règnait jusque-là dans la salle. 22h 15, Belaïd, Idir et Omar, chanteurs du groupe accompagnés du reste de l'orchestre fusent. Une salve d'applaudissements, des cris et des youyous parvenant de l'assistance les accueille. «Azul fellawen, Saha ftourkoum», ont lancé les membres du groupe à l'adresse du public, avant de remercier ce dernier de s'être déplacé. Avehri siwdhassen esslam iwarech ak tmourthiw (Eh vent ! Transmets mes salutations à la jeunesse de mon pays) est la très célèbre chanson du défunt Moh Saïd Oubelaïd que le groupe a choisi d'interpréter pour ouvrir la soirée. Le groupe enchaîne avec la chanson Yugurthen (Jugurtha) qu'ils ont composée à l'âge de 17 ans, suivie par Fadhma N'soumer, en hommage à cette figure emblématique de l'histoire de notre pays. La soirée continue jusqu'à ce que les fils de la guitare que manipule avec une agilité et une dextérité inouïes Belaïd raisonnent sous les notes d'une célèbre composition du groupe qui n'est autre que Yemma Tedda Hafi (ma mère marche pieds nus). C'est à ce moment-là que la salle répète : Yemma tedda hafi, thekna fou zemmour, tguezem thzigui, amzuris yeghli… thidi thetscherchour, thferfras themzi, thesseram amour (ma mère marche pieds nus, s'incline pour ramasser les olives et traverse les forêts les cheveux décoiffés… la sueur coule comme de l'eau, sur son visage de jeunesse perdue, elle attend sa part dans la vie.) Ce sont là quelques paroles de la chanson retraçant un vécu des plus sombres de la femme algérienne durant l'ère coloniale et à laquelle le groupe rend hommage. Après quelques chansons tirées de son répertoire, le trio met la salle en transe en entraînant l'orchestre sous les airs de la chanson rythmée. C'est alors que des familles entières se laissent emporter par une musique où fusionnent les sonorités émises par la guitare, le bendir, le tambourin, derbouka et le synthétiseur encadrés par les voix déchaînées des «trois mousquetaires». Mères avec leurs enfants, jeunes couples, quelques vieux, qui, malgré leur échine courbée se sont offert les folies de la piste sous les mélodies dansantes des chansons Jida (Ma grand-mère) JSK joue, JSK gagnera, Algérie joue, Algérie gagnera. Avant la fin de la soirée, le groupe a procédé à l'interprétation, en exclusivité, de la chanson Achughar (pourquoi ?) contenue dans leur dernier album, en hommage aux martyrs de la décennie noire, puis ont clôturé leur prestation avec des chansonnettes rythmées puisées du patrimoine folklorique kabyle.