"Escroquerie et abus de confiance" Elle promet la vente de terrains à construire à 3 personnes différentes. L?affaire numéro 9, enrôlée pour l?audience de la Cour d?Alger du 19 mars dernier, sort réellement de l?ordinaire. Les deux prévenus (un homme et une femme) forment un couple auquel on donnerait le Bon Dieu sans confession. L?homme, la cinquantaine à peine entamée, paraît, dans sa tenue impeccable (un pantalon bleu et une veste assortie), un père de famille irréprochable. La femme porte un hidjab qui lui va à merveille. Pourquoi ce couple, au-dessus de tout soupçon, se trouve-t-il en prison ? Pour commencer, il faut savoir que ce couple n?est marié que par la «Fatha». Mouloud, le mari, a déjà une première épouse et 5 enfants, restés à Jijel. À Alger, il vit avec Ourida, la coaccusée. Lorsqu?il est invité à donner sa version des faits, Mouloud entame son intervention en insistant sur la dure situation que lui et sa deuxième épouse traversent. «Nous n?avons même pas de quoi payer un avocat pour nous défendre», dit-il. C?est Ourida qui détient la clé du mystère. Elle reconnaît que la femme qui lui loue l?appartement où elle vit à Alger, est allée avec elle au village. «Lorsque nous sommes arrivées au bled, elle a été intéressée par un lot de terrain qui m?appartient. Elle m?a fait part de son intention de l?acheter pour y construire une maison qu?elle louera aux estivants», dit la prévenue. Elle reconnaît avoir touché 16 millions de centimes en deux versements (6, puis 10 millions de centimes). Elle regrette que la vente n?ait pas pu se concrétiser et ce, à la suite d?une altercation entre son fils et celui de l?acheteuse. «Je suis tombée malade à cause de tous ces problèmes et j?ai été hospitalisée», ajoute-t-elle. Elle rappelle que ses enfants sont issus d?un mariage précédent. «Je suis mariée avec Mouloud depuis 15 ans, mais nous n?avons pas eu d?enfants», insiste-t-elle. Le président du tribunal intervient pour interroger l?accusée. ? La victime parle de deux lots de terrain. ? C?est vrai. ? L?un de 160 m2 et l?autre de 600 m2. ? Oui. ? Et ces deux lots de terrain coûtent, selon vous, 16 millions de centimes. Ourida ne répond pas et le juge lui rafraîchit la mémoire : «La victime déclare qu?elle vous a remis 132 millions de centimes.» L?accusée nie aussi avoir falsifié la carte d?identité ayant servi à établir l?acte notarié. «Ce sont mes voisins qui m?ont enlevé ma carte d?identité et l?ont falsifiée», dit-elle. Mouloud estime, pour sa part, ignorer tout de cette affaire. «Un jour, alors que je rentrais chez moi, j?ai été agressé par 15 personnes qui voulaient récupérer l?argent remis à ma femme. J?ignorais, jusqu?à cette date, que ma femme avait vendu quoi que se soit», affirme-t-il. Il reproche aux créanciers de sa femme de lui avoir volé sa voiture dans laquelle se trouvait la carte d?identité de son épouse du bled. «C?est cette pièce d?identité qu?ils ont falsifiée», ajoute-t-il. ? Si vous ignoriez cette vente pourquoi aviez-vous signé une reconnaissance de dette ? Interroge le juge. ? Ma femme n?a pas de papiers. ? Et la carte d?identité ? ? Je parle de ma femme d?Alger. C?est elle qui a vendu. ? Vous avez reconnu une dette de combien ? ? 132 millions. ? Votre femme d?Alger a-t-elle touché cette somme ? ? Non, mais j?y étais contraint. Le procureur général rappelle la gravité des faits. «L?accusée a reçu en réalité 152 millions, puisqu?elle a promis à 3 personnes différentes, la vente de lots de terrain fictifs», plaide l?avocat général. Il estime, par ailleurs, que son complice a ramené les documents de sa véritable épouse restée à Jijel pour les falsifier et réaliser ainsi de faux actes de vente. Il requiert enfin 2 ans de prison ferme contre chacun des accusés. Au terme du procès, reconnu coupable de nouveau, chacun des deux accusés est condamné à 15 mois de prison ferme. A noter qu?en première instance une peine d?un an de prison ferme avait été prononcée contre chacun des deux prévenus.