Avis n Les Occidentaux ont toujours instrumentalisé la menace d'Aqmi dans le but de contrôler les richesses de la région. Lies Boukraâ, expert en géopolitique, est revenu, hier, lors de son passage au forum du quotidien El Chaâb, sur la menace terroriste d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) au Sahel, qui implique, en plus de l'Algérie, six autres pays, à savoir le Maroc, le Niger, le Mali, la Mauritanie, le Soudan, le Tchad et le Burkina Faso. D'après M. Boukraâ, cette menace «exagérée et surmédiatisée» voile les véritables enjeux des pays occidentaux dans cette zone stratégique. «Qu'il s'appelle Aqmi ou autre, il s'agit principalement d'acteurs qui cherchent à tirer profit du désordre saharien», estime-t-il. Il s'agit, ajoutera-t-il, de trois types d'acteurs qui sont attirés par cet espace de fragilité et de vulnérabilité, caractérisé par le clivage, les conflits entre les différents groupes ethniques et religieux, la malnutrition... D'abord, il y a les acteurs de crimes organisés qui menacent de «criminalisation financière» la zone en dominant l'axe du business dans la région. S'ajoutent à cela les réseaux de trafiquants de drogue qui transitent par cette région stratégique. Ce qui constitue, pense-t-il, un danger réel qui risque d'avoir des conséquences catastrophiques et de perturber ainsi durablement les équilibres des sociétés sahariennes. «C'est la jonction entre la prise de contrôle du pouvoir et les acteurs des crimes organisés», indique l'expert en prévoyant, dans le cas de ce scénario envisagé, le passage d'une criminalisation économique vers une criminalisation politique. Quant au deuxième type d'acteurs, l'expert parle des grandes multinationales qui sont motivées par les richesses dont regorge le sous-sol du Sahel. Cet axe «politico énergétique» entre dans le cadre, explique-t-il, du futur projet de désenclavement de la zone afin d'exploiter ces richesses. «Ces acteurs ont de fortes capacités d'actions ainsi que les moyens de corrompre et d'armer les rebellions et les dissidences», poursuit-il. Dès lors, la menace terroriste, affirme-t-il, est amplifiée, voire nourrie afin de permettre aux Etats en rivalité de prendre les richesses des Etats de la région, de se positionner économiquement et militairement au sein de ce couloir stratégique reliant l'océan Atlantique à la mer Rouge et offrir la possibilité de peser de façon très forte sur les équilibres géopolitiques et énergétiques de cette zone stratégique. L'expert a situé l'enjeu principal de l'Occident dans sa nouvelle stratégie visant la création d'un nouveau découpage du monde, notamment l'Afrique, qui sera basée sur le capital mondialisé car l'ancien découpage basé sur le capital «industrialisé» ne tient plus le coup. En somme, l'enjeu véritable d'Aqmi, constate-t-il, c'est la recolonisation en découpant l'Afrique en fonction de sa logique basée sur le capital mondialisé. Enfin, la stratégie de positionnement et de prise de contrôle de richesse prévoit, d'après l'orateur, les ingérences étrangères notamment américaines dans la région pour faire face la rivalité chinoise en manipulant les différents acteurs. Cela dit, la menace d'Aqmi est réelle et on doit absolument la liquider. Sur ce point précis, le chercheur algérien estime que cette option est militairement à la portée des pays du Sahel.