Jeu n Au neuvième jour du Festival international du théâtre, le public algérois avait rendez-vous avec le théâtre belge. C'est ainsi que le rideau s'est levé sur la troupe Arcinolether qui présentait la pièce Au commencement était le verbe. Sur la scène d'Alger, cinq comédiens : Maria Harfouche, Raymond Hosny, François Kah, Léa Rogliano, et Olivier Rosman. Chacun est derrière un bureau. Les bureaux sont disposés en U et décorés de petits drapeaux de plusieurs pays. L'action théâtrale se passe donc dans cet espace clos qui représente l'enceinte du siège de l'ONU. La pièce retrace le conflit arabo-israélien depuis le tout début à travers l'institution onusienne, et cela en réunissant tous les antagonistes de ce conflit depuis l'adoption de la résolution du plan de partage de la Palestine en 1947 à nos jours. Toutes les grandes stations de l'histoire de ce conflit sont passées en revue avec une touche d'humour justement dosée. On revoit la guerre des frontières d'Israël, la guerre de Suez en 1956, la guerre des Six-Jours de 1967, et la guerre du Kippour en 1973. Et à chaque étape on sentait la représentante de la cause palestinienne perdre espoir et céder de plus en plus sous la pression et l'oppression israélienne. On voyait aussi le représentant libanais implorer le monde pour défendre la cause des réfugiés, un monde qui l'écoutait de moins en moins jusqu'à ce que le représentant de l'Etat hébreu lui coupe carrément le micro, le réduisant ainsi au silence comme tout le monde arabe à l'époque. Innovation aussi du théâtre moderne, chaque événement est illustré par des vidéos d'archives projetées sur un écran en arrière-plan. Après les guerres, voici la reconnaissance de l'OLP et le fameux discours de Yasser Arafat devant l'Assemblée générale des Nations unies, une branche d'olivier dans une main et son revolver dans l'autre. Cette scène a provoqué un soulèvement dans le théâtre. On passe ensuite à un autre événement qui va émouvoir toute l'assistance, l'ambassadeur onusien des Etats-Unis d'Amérique qui aiguise une machette qu'il remettra au représentant d'Israël. Là, toute la salle reconnaît cet extrait musical de Marcel Khalifa, et on comprend qu'on est arrivé au massacre de Sabra et Chatila. Et c'est à partir de cette scène que la compagnie exprime de façon magistrale, claire et humoristique toutes les manipulations et les non-dits diplomatiques qui entourent ce conflit. La représentante de l'ONU n'a plus aucun pouvoir et se perd dans ses résolutions, le représentant des Nations arabes n'est plus qu'un pantin soumis à la volonté des Américains et chante et trinque à la paix promise par l'Oncle Sam, les Etats-Unis multiplient les manœuvres diplomatiques et les partenariats secrets. Et pendant ce temps, Israël tue encore impunément et finit par museler tous les antagonistes, et la Palestine continue d'écrire son histoire en lettres de sang. A toute cette émotivité vient s'ajouter le jeu très expressif de toute la compagnie car sur scène, ce n'étaient plus des personnes ou des rôles mais des pays. Au plus grand bonheur des membres d'Arcinolether, cette pièce a connu un franc succès à Alger puisque l'orchestre et les trois balcons du TNA était occupés et il est rare qu'autant de monde se déplace au théâtre. Pourvu que ça dure.