Germain Castarède est un rude montagnard jeune, barbu, maigre et dur au travail. Mais l'argent semble le fuir désespérément. Depuis toujours. C'est de famille. Son père, avant de disparaître prématurément, n'était qu'un modeste bûcheron. Depuis sa mort, Germain doit subvenir comme il peut aux besoins de sa vieille mère, entretenir leur petit chalet et cultiver le jardin. Or, Germain n'est pas malheureux : homme de la montagne, il ne vit que pour celle-ci. Son seul bonheur réel c'est de partir seul pour de longues randonnées, hiver comme été. Germain aimerait bien une compagnie pour ces grandes balades dans la forêt silencieuse ou sur les pentes enneigées et vierges : «Ce serait chouette si je pouvais avoir un chien. Un chien à moi. Rien qu'à moi !» Pour ce qui concerne les chiens, Germain ne devrait pas se plaindre. Il se fait un peu d'argent de poche en travaillant au chenil de La Canche, son village de montagne. Ah ! il y a de belles bêtes mais hors de prix. Des gagnants de concours, des animaux à pedigree. Germain espère toujours qu'on lui en donnera un, un jour. Même s'il était un peu mal venu, même s'il avait un défaut. Mais non, jamais aucun des chiots nouveau-nés ne présente la moindre tare... Germain les cajole, les nourrit, les lave, les promène, mais chaque soir il rentre seul chez lui. Un jour, le facteur apporte une lettre pour Germain. La chose est suffisamment rare et il s'étonne : — Maman ! C'est une lettre de Gustave ! Tu sais, le représentant de commerce qui est venu faire du ski avec sa famille l'année dernière. Maman Castarède hausse les épaules. Oui, elle se souvient vaguement de Gustave et de sa petite famille. L'épouse de Gustave venait l'encombrer dans la cuisine pour lui arracher le secret de sa tourte au reblochon et aux pommes de terre. Maman Castarède lui avait presque tout dit... sauf le petit truc qui fait l'essentiel. — Maman ! Gustave me propose un chiot : un chien des Pyrénées. Gratuit ! Ce sont des amis à lui qui lui en proposent un et il s'est souvenu que je voulais absolument un chien comme ça ! Le soir même, Germain répond à son ami. D'accord pour le chien des Pyrénées ! Et la lettre part aussitôt. Deux semaines plus tard, la famille de Gustave arrive au grand complet pour une semaine de ski. Et avec elle, César, le chiot des Pyrénées. D'un seul regard, César et Germain se comprennent : c'est le grand amour. Pendant les semaines qui suivent, Germain passe une bonne partie de son temps à éduquer César. Non pas que celui-ci soit d'un caractère retors mais il faut bien que l'animal comprenne ce qu'il doit à son maître. Puis, vient le grand jour : celui d'une course en montagne. Tous les deux, Germain et César, avec un sac à dos rempli de matériel. Jusqu'à présent Germain et César n'ont effectué ensemble que des reconnaissances en forêt : — Tu sais, maman, il est super ce chien. Je sens qu'on va être heureux ensemble. L'avenir va bientôt le démontrer. Pour cette grande balade, Germain décide de partir à ski du côté de la Grande Jorasse. Il est treize heures, le soleil de ce début mars incite à la bonne humeur. Germain et César viennent de sortir d'une cheminée de vingt mètres de large. La neige est profonde, intacte, épaisse. — César, hop, monte là ! Germain indique à César une petite corniche rocheuse, en dehors de la neige profonde. Germain quitte ses skis et dit : — Je vais mettre les crampons maintenant. (à suivre...)