Paradoxe Celui dont les ?uvres témoignent de la finesse et du raffinement de l?art algérien travaille dans un local de 4 m2 situé dans une cage d?escalier. Ajusteur de formation, son grand sens de la précision et son perfectionnisme avéré ont fait de lui un virtuose de la broderie traditionnelle à laquelle il est venu grâce à khalti Zoulikha qui lui a appris le métier. Si Smaïl Yedou est aujourd?hui connu comme étant l?un des derniers et meilleurs maîtres artisans dans l?art de la frida (sculpture sur cuir des motifs servant de base au medjboud) sur le territoire national, c?est en l?occurrence grâce au feu sacré qui l?anime. Membre fondateur de l?école Ourida-Medad des métiers traditionnels et l?un de ses enseignants les plus prestigieux, cet homme s?est engagé, depuis plusieurs années, à sauver les métiers d?antan de l?oubli. Pour défendre cette noble cause qu?il sert à titre gracieux, M. Yedou occupe le poste de vice-président de l?Association des arts et métiers. Il est membre de la Chambre des métiers d?Alger et, entre autres missions, membre du jury du concours national de la créativité et de la sauvegarde du patrimoine de l?artisanat. Son intérêt pour l?éducation lui a, en outre, inspiré une méthode d?enseignement unique fondée sur des bases scientifiques et une recherche culturelle universelle, pour garantir la facilité d?apprentissage et l?enrichissement de la freda et de la broderie traditionnelle que M. Yedou offre aux jeunes pour les arracher à leur misère morale. Son local de 4 m2 est situé dans une cage d?escalier où il ne peut employer que 2 personnes, parmi les dizaines d?apprentis qu?il a formés au fil des années et qui l?aident à honorer ses engagements vis-à-vis de sa clientèle qui sait reconnaître le travail artistique exécuté avec amour et soin sur une matière noble et vivante de celui dit «bon marché» fait sur du carton ou de la Salpa. «Et l?on s?étonne de voir, au bout de quelques mois, la broderie se ternir ou se rouiller. Il faut savoir que la matière synthétique transpire sous l?effet de la chaleur et provoque la dégradation du fil de broderie», affirme M. Yedou. C?est ce qui explique, sans doute, que les ?uvres de cet artiste partent à l?étranger comme le témoignage authentique de la beauté et de la finesse de la broderie traditionnelle algérienne, concurrencée aujourd?hui par des articles en provenance du Moyen et d?Extrême-Orient. Accablé par les impôts qui assimilent son travail à une activité industrielle et lui attribuent, selon ses dires, des chiffres d?affaires erronés, M. Yedou lutte désespérément pour faire entendre raison à cette institution et faire valoir ses droits, restés lettre morte. «J?ai le droit, au même titre que le dinandier, le maroquinier, le bijoutier, le tapissier et le potier qui produisent des objets artisanaux, de bénéficier de 10 ans d?exonération d?impôts et de ne verser que la moitié, soit 7 %, de la TVA. Or personne, encore moins l?administration des impôts, ne veut reconnaître ce droit», confie avec déception notre interlocuteur.