Confession n Parlant pendant plus d'une heure à deux journalistes indépendants, le Premier ministre pendant plus de 11 ans de Zine El-Abidine Ben Ali, a voulu mettre les points sur les i. Visiblement ému, parfois au bord des larmes, Mohammed Ghannouchi parlant de l'époque Ben Ali a assuré : «J'avais peur, comme tous les Tunisiens.» Il a expliqué qu'il avait en permanence «des valises prêtes» pour partir et qu'il n'avait été qu'un coordinateur des ministères concernés par les affaires sociales, dont le rôle se bornait «à attirer les investisseurs et veiller à l'équilibre budgétaire». Pendant les Conseils des ministres qu'il présidait à son Palais de Carthage, près de Tunis, «Ben Ali parlait tout le temps, il parlait à lui-même, se convainquait lui-même, et nous partions sans avoir discuté. J'ai été tenté à plusieurs reprises de laisser tomber, mais je subissais la pression de plusieurs personnes qui me demandaient de ne pas renoncer», a-t-il encore assuré. En effet, en onze ans, c'est la première fois que l'homme se confie sur ce ton. M. Ghannouchi est apparu sur les écrans de télévision hier soir dans les habits d'un grand commis d'Etat avec ses moments de doute, de modestie et d'émotion. Il a, par ailleurs, tenu à préciser qu'il n'a aucune ambition politique pour la période de l'après Ben Ali, dans le souci de réussir la transition du pays vers la démocratie et un engagement à préserver les acquis de l'ère de Habib Bourguiba. En effet, le Premier ministre Mohammed Ghannouchi, 70 ans, s'est engagé à quitter la politique après la période de transition qui s'achèvera avec des élections «démocratiques et transparentes». «Après la transition, je me retirerai de la vie politique», a promis celui qui fut le dernier Chef du gouvernement du Président déchu Zine El-Abidine Ben Ali. «Et même si on me propose d'être candidat, après la période de transition, je prends ma retraite. Nous avons assez d'hommes capables et compétents» pour diriger le pays, a-t-il ajouté. «Mes responsabilités sont provisoires», a insisté M Ghannouchi, soulignant qu'il avait pour seul et unique objectif de remettre le pays sur les rails, sur les plans sécuritaire et économique. Au bord des larmes pendant trois séquences de cette interview historique pour un homme qui ne s'est jamais adressé aux Tunisiens sous Ben Ali, l'ancien et actuel Premier ministre s'est dépeint sous les traits d'un modeste exécutant animé par le souci de mener à bien une transition, chahutée par la contestation dans la rue. Reste à savoir si cette image d'un «nouveau Ghannouchi» suffira à apaiser la fureur de la rue à la veille du week-end tunisien qui commence ce samedi et peut encore mobiliser des milliers de manifestants pour exiger le départ du gouvernement des caciques de l'ancien pouvoir.