La Tunisie se retrouve sans gouvernement, avec un président “provisoire”. Aucune annonce, aucune information sur d'éventuelles élections présidentielles anticipées. Une “omission” qui autorise interrogations et inquiétudes. Zine El Abidine Ben Ali est parti, place maintenant aux “retombées”. C'est le Premier ministre, Mohamed Ghannouchi, 69 ans, qui devient président de la République tunisienne “temporairement”. L'annonce a été faite, hier soir, à la télévision tunisienne. Cette “prise du pouvoir” est basée, selon le néo-président, sur l'article 56 de la Constitution tunisienne. Sauf que dans les minutes qui ont suivi son annonce, plusieurs hommes politiques de l'opposition tunisienne sont montés au créneau pour dénoncer l'“usurpation”. On parle déjà d'un “coup d'état en catimini”. Un flou total entoure l'application de cet article. Il est ainsi indiqué par certaines lectures que la durée du “mandat” de Mohammed Ghannouchi ne prendra fin qu'au retour de Ben Ali. D'où l'inquiétude et les interrogations de l'opposition. Certains y voient un subterfuge pour laisser une porte ouverte au retour de… Ben Ali. Que va-t-il donc se passer dans ce pays ? Encore une fois, le flou est total quant à l'avenir immédiat. “J'appelle les Tunisiens, toutes sensibilités politiques et régionales confondues, à faire preuve de patriotisme et d'unité”, a lancé Mohamed Ghannouchi, et à l'heure où nous mettons sous presse, aucun détail n'a été donné sur ce qu'il comptait faire. Dans son court discours, il a promis d'appliquer les changements…“promis”. L'une des concessions “lâchées” par le désormais ex-président, Zine El Abidine Ben Ali, est l'organisation des élections législatives anticipées dans six mois. Cela a été d'ailleurs annoncé par Mohammed Ghannouchi lui-même. Ce dernier avait aussi annoncé que le gouvernement était limogé. C'était avant qu'un couvre-feu ne soit décrété dans tout le pays, c'était aussi juste avant que l'état d'urgence ne soit décrété, et c'était enfin avant la fuite de l'ex-numéro Un. La Tunisie se retrouve sans gouvernement, avec un président “provisoire”. Aucune annonce, aucune information sur d'éventuelles élections présidentielles anticipées. Une “omission” qui autorise interrogations et inquiétudes. L'enjeu est de taille. Changer de président ne veut pas dire un changement de système alors que c'est ce que tous les manifestants tunisiens scandent depuis plusieurs semaines. Ghannouchi paraît déjà comme celui qui a été placé pour protéger le système de Ben Ali sans Ben Ali et sa belle famille. Un “changement” qui sera loin de satisfaire les Tunisiens, même si la famille régnante n'est plus là. Les Tunisiens ne se sont pas battus pendant un mois pour revivre une passation de pouvoir semblable à celle de 1987. Le 7 novembre de cette année-là, le président Habib Bourguiba était destitué sur la base d'un rapport médical et de l'article 57 de la Constitution tunisienne. Comme hier, c'était le Premier ministre de l'époque, qui n'était autre que Zine El Abidine Ben Ali, qui l'avait remplacé. Le Ben Ali de 1987 promettait alors de faire des changements. En fin de compte, il est resté plus de 23 ans au pouvoir pour le quitter comme un vulgaire voleur. Mais l'a-t-il vraiment quitté ? Un flou total entoure ces “manœuvres”. Le système de Ben Ali est-il vraiment fini ou est-ce encore un “acte de guerre” contre son peuple ?