Patrimoine n Casbah, âme et cœur d'Alger, se meurt dans l'indifférence, alors même que les plans pour son sauvetage se succèdent depuis trois décennies sans réussir, les uns après les autres, à sauver du naufrage l'antique cité. Devant l'extrême urgence de préserver «El-Mahroussa», comme se plaisent à l'appeler les vieux Algérois, et de tenter de l'arracher à une mort certaine, un énième plan a vu le jour récemment, celui élaboré par l'Office national de gestion et d'exploitation des biens culturels protégés d'Alger. Le plan en question se décline en trois étapes. La première a consisté dans le lancement d'une opération qui a touché 343 bâtisses de la Médina. La deuxième a porté sur des études historiques et topographiques, tandis que la troisième a concerné la finalisation dudit plan. Ce plan qui suscite beaucoup d'espoir chez ses promoteurs, requiert une enveloppe financière globale de 56 milliards de dinars, précise l'office qui rappelle l'échec des plans précédents en raison du manque d'efficacité. Le constat est effarant : la Casbah compte aujourd'hui moins de 600 maisons contre plus de 1700 à sa construction. Certains des plans conçus pour la sauver sont restés sans suite, alors que d'autres ont été stoppés net, dès leur lancement, avec le départ des responsables chargés de leur exécution. Entre manque de financement et de main-d'œuvre ou encore absence de volonté politique, les habitants de la Casbah comme l'ensemble des Algérois inquiets de voir disparaître à jamais un pan entier de la mémoire d'Alger, se perdent en conjectures devant tant de gâchis, impuissants qu'ils sont à expliquer l'échec des tentatives de restauration de la vieille cité. «Nous devons apparemment attendre la résurrection d'un des deys pour enfin voir la vieille cité renaître de ses cendres», conclut, amer, un des anciens habitants. La première opération de restauration de la Casbah remonte à 1981, lorsque le gouvernement de l'époque avait appelé à la mise en place d'un plan de sauvegarde. L'inscription de ce site historique n'est intervenue qu'en 1991, soit trente ans après l'indépendance, suivie de son classement, en 1992, au patrimoine mondial de l'Unesco. Depuis peu, une Journée nationale lui est dédiée, coïncidant avec le 23 février de chaque année. Quotidiennement, l'office en charge du dernier plan reçoit les dossiers des habitants de la Casbah en vue de régler la situation des maisons qu'ils occupent depuis des années. Certains citoyens ont émis le souhait d'être transférés dans un centre de transit en attendant la restauration de leurs maisons alors que d'autres ont accepté de céder leurs habitations contre un nouveau logement dans un autre quartier de la capitale. Les opérations de recensement ont révélé que plusieurs habitants ne possèdent pas d'actes de propriété. Des habitants de l'ancienne cité ont même procédé délibérément à la destruction de leurs maisons dans le but d'acquérir des logements neufs, à l'instar des bénéficiaires d'opérations de relogement dans la capitale ces dernières années. Quelque peu sceptiques, les habitants de la Casbah et les associations qui œuvrent pour sa sauvegarde et sa protection ont, tout de même, accueilli favorablement ce dernier plan, tout en exprimant le vœu qu'il aboutisse et qu'enfin la vieille Médina, ou ce qu'il en reste soit sauvé.