Au moment où la Casbah d'Alger, malgré toutes les promesses de réhabilitation, continue de subir une lente et dangereuse dégradation qui semble n'émouvoir pas grand monde dans les rangs des autorités concernées par son sort, Beur TV a eu l'ingénieuse idée d'ouvrir le débat sur sa situation actuelle, histoire de savoir un peu plus sur les intentions et les projections que se font les pouvoirs publics pour sauver de la détresse ce patrimoine architectural d'une richesse inestimable que l'UNESCO a classé il y a quelques années comme monument universel. La chaîne française, qui s'adresse notamment à notre communauté émigrée et qui est par conséquent très suivie en Algérie, a réuni pour cela dans le patio d'une maison typique au cœur même de la citadelle algéroise un plateau d'invités de tout bord mais tous passionnés par son devenir. Sans faire dans l'exclusivité - les problèmes de fond de la Casbah sont archi connus - ils ont eu le mérite de nous rappeler l'extrême urgence qu'il y a à ne plus tourner en rond, à se gargariser de mots, pour redonner au site la valeur qu'il mérite, en commençant par stopper sa destruction. Ce sont plutôt les représentants des associations, particulièrement de la Fondation Casbah, qui militent, souvent avec des moyens dérisoires, pour la sauvegarde de la vieille cité, qui sont montés au créneau pour nous faire toucher du doigts les innombrables dégâts que l'incompétence des uns et le laxisme mêlé à la bureaucratie des autres ont fait subir à ce patrimoine. Le discours de ces militants acharnés, qui ont la Casbah dans les tripes et qui visiblement savent de quoi ils parlent quand ils ciblent tel ou tel prédateur, tranchait avec les explications des responsables officiels, du ministère de la culture entre autres, qui tentaient tant bien que mal d'arrondir les angles pour dire que toutes les critiques formulées sur ce plateau et ailleurs concernant la prise en charge de la Casbah n'étaient pas toujours fondées et allaient même dans le sens de l'exagération. Ces responsables s'en tenaient au plan permanent de sauvegarde et de mise en valeur de la Casbah et à tous les plans d'urgence adoptés mais qui n'ont pratiquement jamais été appliqués. La note la plus réconfortante, qui au demeurant est loin d'être une portion congrue dans ce dur combat de protection de la vieille cité, est venue de l'existence enfin, après des années de tergiversations, d'instruments juridiques en mesure de couvrir les projets en cours. Mais pour les bénévoles de la Casbah, c'est une maigre consolation par rapport à l'image affreuse qu'offre celle-ci et dont elle n'est pas près de se relever. Il faut dire que les reportages effectués à l'intérieur de l'ancienne ville et diffusés pour corroborer le débat se passaient de commentaires. Maisons en ruine, d'autres lézardées, ruelles encombrées par des tas de détritus... Autant de démentis aux arguments des officiels qui affirment que des efforts sont réalisés pour consolider la restauration de la Casbah. Autant par ailleurs de justificatifs pour la “partie adverse” qui trouve l'occasion idoine pour pointer l'index vers les auteurs de ce massacre culturel. Ainsi, un ancien wali, aujourd'hui consul général à Lille, et un ancien maire en ont pris pour leur grade pour avoir participé volontairement ou pas à cette incurie. On sentait les bénévoles de la Casbah en avoir le cœur lourd de voir le temps passer et laisser l'inaction faire son œuvre. Ils ont fait le constat d'un monumental gâchis en raison de l'inculture et de l'incompétence de certains responsables auxquels on a confié le sort de la Casbah. Comparée aux casbah des pays du Maghreb comme le Maroc et la Tunisie, la nôtre, qui est pourtant parmi les plus authentiques, suscite la honte par son aspect d'abandon. La volonté politique et l'argent suffiront-ils à y remédier ?