InfoSoir : Comment expliquez vous le phénomène Facebook ? M. Djaout : Facebook tout comme Twitter ou d'autres plateformes de réseautage social permettent de recréer une société sur la Toile. On peut connaître de nouveaux individus et partager des points d'intérêt avec eux, tout comme on le ferait au sein d'un petit village. Avec l'avantage de se sentir plus ou moins en sécurité, puisque les personnes ne sont pas directement confrontées à leurs contacts. Le temps de mieux les connaître avant de révéler son identité pour les internautes anonymes. Ajoutez à cela une omniprésence auprès de ses amis grâce aux notifications instantanées et la capacité d'intervenir de n'importe quelle borne Internet. La vie est à portée d'un clic de souris et l'être humain acquiert des qualités quasi divines. Facebook obéit ainsi aux règles d'évolution des communautés d'antan et les phénomènes d'acculturation s'y afférents. Ces médias sont la société de demain grâce au temps important que les internautes y consacrent, car tout est question de temps. La société qui a subi la dislocation liée au changement de la vie sociale faisant passer les individus d'une vie tribale vers la grande famille, avant de se retrouver aujourd'hui au stade de la famille recomposée, reconstitue ses liens sur la Toile. Des mouvements se constituent et interagissent avant de se retrouver dans la vie quotidienne et mener des changements sociaux dans leur vécu physique. Comment voyez-vous l'avenir de cet espace de communication ? Est-il en phase de supplanter les traditionnels moyens d'information ? Les grandes agences et titres de presse ont su se redéployer. On voit de plus en plus de conglomérats de la presse se constituer et s'ouvrir sur le monde du web. Des chaînes d'information qui font intervenir des citoyens de part et d'autre de la planète en tant qu'analyste et témoin de la situation dans leurs pays via leurs webcams. Des pages Facebook pour débattre et des fils Twitter partagés par des agences de presse et des journalistes indépendants. Sans oublier le fil des anciennes agences de presse pour du Feed Twitter ou Facebook. Chose inimaginable, il y a de cela quelques années. La solution la plus plausible actuellement pour les médias classiques est de se redéployer sur le web, mais en tant qu'agrégateur d'informations. L'objectif est de constituer des réseaux de traitement de l'information avec les faiseurs des événements, les leaders d'opinion, les journalistes indépendants et, pourquoi pas, des concurrents déjà existants. C'est le modèle collaboratif. Un vieux technicien vous aurait dit que c'est un modèle à briques applicatives. Il s'agit d'investir dans l'extension du réseau et la circulation de l'information afin qu'elle puisse être traitée à tous les niveaux. Une fois récupérée telle qu'elle, elle épousera la ligne éditoriale de l'organe traitant, car il n'y a pas de place pour la simple information, qui est déjà véhiculée sur le web de manière simple. C'est son analyse et son traitement qui en fera une opinion. Telle est la valeur ajoutée réelle du journalisme.