L'universitaire Hadj Miliani a estimé à Oran que la chanson raï «s'est banalisée aujourd'hui» et ne s'inscrit plus dans une perspective de contestation et de rupture avec l'ordre ancien comme elle l'a été à ses débuts. «Le raï est devenu aujourd'hui un genre et un label musical parmi tant d'autres et un produit commercial», a expliqué jeudi soir Hadj Miliani, professeur à l'université de Mostaganem, dans une conférence sur «L'anthropologie du raï», donnée au Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle (Crasc) d'Oran. Hadj Miliani, auteur de plusieurs ouvrages et études sur le raï, a indiqué qu'à ses débuts, dans les années 80, le raï a «raconté la crise que vivaient ceux qui ont basculé du monde rural au monde citadin. Il décrit les errements de ces gens perdus dans une société marquée par l'individualité de la vie moderne». Pour lui, le raï des anciens chiyoukh et chikhate «mettait en exergue trois valeurs : l'honneur, la parole et la solidarité, que l'on ne retrouve plus dans la société citadine actuelle. Aujourd'hui, ce genre musical est une sorte de retour de mémoire. Il chante le deuil de la ruralité.» Sur un autre plan, il a estimé que le raï s'est adapté aux exigences de la modernité sur les plans rythmiques et musicaux sans toutefois renoncer à des conduites rurales et traditionnelles. Dans ce contexte, il citera l'exemple du «berrah» et de la «tebriha» (dédicace) comme élément important dans «la composition» d'une chanson ou du déroulement d'un spectacle. «La ‘'tebriha'' exprime une conduite d'honneur. Elle est un rituel symbolique de règlement des conflits et une sorte de combat de générosité», a-t-il expliqué, tout en relevant que ces dédicaces reflètent aujourd'hui les mutations sociales. «Aujourd'hui, on ne dédie plus une chanson pour une personne donnée en citant son nom ou son prénom, mais en ajoutant sa fonction et son statut social», a-t-il indiqué.