Condensé Il y a comme cela des cas de citoyens qui réunissent en eux tous les ingrédients de cette mal vie à l?Algérienne. «Que ce soit Bouteflika ou un autre, l?Algérie ne s?en sortira pas. La base de ce pays est pourrie.» Ce sévère réquisitoire est de Rachid Bessaha, un jeune homme de 33 ans qui semble avoir arrêté de vivre depuis longtemps. Rachid réunit en sa personne tous les problèmes que connaît la jeunesse algérienne. Il se ravise un moment, juste pour enfoncer un peu plus ceux qui ont géré ce pays. «Tout compte fait, je veux que Bouteflika gagne juste pour qu?il casse le FLN. C?est lui qui est à l?origine de tous nos problèmes.» SDF, chômeur, marié et ne pouvant vivre sous le même toit que sa femme pour cause d?exiguïté, de surcroît père d?une petite fille, Rachid incarne le désespoir de toute une jeunesse laissée en rade par des gouvernants dont le regard est tourné ailleurs. «Lorsque je vous dis que je suis un SDF, il faut me croire. Faute d?espace chez laâdjouz (sa mère, ndlr), j?habite dans mon vieux fourgon Volkswagen de 4 millions, qui me sert aussi à faire le clandestin lorsqu?on me sollicite pour transporter une marchandise quelconque. Tout le monde peut vous le confirmer, ici, à Basta-Ali.» Cette situation, le jeune homme la vit depuis son retour au pays en 1994, après trois années passées en France. «C?est laâdjouz qui m?a eu en m?incitant à revenir. Maintenant si je suis ici, c?est parce que je n?ai pas pu y retourner. Je vous assure que je préfère 20 ans de prison là-bas qu?être libre ici.» Une liberté à laquelle il ne croit pas, puisqu?il considère que «nous sommes dans une prison fermée». De temps à autre, ses copains Sid-Ali et Fayçal interviennent pour confirmer ses dires. «Sa femme vit chez ses parents, et lorsqu?il doit acheter des couches pour sa fille, il n?en prend qu?une seule», souligne Sid-Ali. Rachid affirme qu?il ne croit plus en rien, de toute façon, et qu?il n?attend rien de la vie. Sinon «la vieillesse et la mort». «Vous croyez que je vais espérer travailler et avoir un logement ? C?est quelque chose d?impossible», déclare-t-il. Lorsqu?il parle de «ceux qui ont volé» ce pays, il va jusqu?à dire : «J?en ferais de même si l?occasion m?était donnée, car je suis un va-nu-pied (hafiane).» «Ce sont eux qui nous ont poussés à penser de la sorte», justifie Sid-Ali.