Les Etats-Unis comptent sur des avions sans pilote pour son élimination. Oussama Ben Laden a été localisé plusieurs fois, mais son exécution n'a pu être réalisée avec un missile tiré d'un avion sans pilote, pour des raisons techniques mais aussi diplomatiques, ont expliqué, pour la première fois cette semaine, des responsables américains. Si la technologie du drone-espion Predator, doté de caméras, est en service dans l'armée américaine depuis dix ans, son couplage avec un missile est bien plus récent : il date de 2001, l'année des attentats contre New York et Washington. «Il est très difficile de tuer un individu avec un missile», a souligné l'ex-secrétaire américain à la Défense, William Cohen, interrogé par une commission d'enquête pour savoir pourquoi Washington n'avait pas agi plus tôt pour neutraliser le chef du réseau terroriste Al-Qaîda. William Cohen a précisé qu'il y avait six heures entre la localisation d'un individu et le tir d'un missile de croisière, notamment pour préparer et programmer l'engin avec les paramètres de guidage par satellite. Le recours à un avion sans pilote doté d'un missile raccourcit ce délai, mais il s'est heurté à des considérations techniques, météorologiques et politiques. Entre septembre et décembre 2000, la Centrale de renseignement américaine a mené 15 missions d'espionnage au-dessus de l'Afghanistan avec un Predator, a révélé à la commission d'enquête le directeur de la CIA, George Tenet. L'avion a été repéré par les taliban, mais a échappé à leurs tentatives d'interception. «Lors de deux missions, le Predator a pu prendre des images d'un homme de grande taille, en robe blanche, avec un physique semblable à celui de Ben Laden», a-t-il rapporté. Avec l'hiver, qui rend difficiles les conditions de vol, les missions de Predator ont cessé, mais des études ont été lancées sur l'armement des drones avec des missiles Hellfire, a-t-il ajouté. De premiers essais ont été menés entre le 22 mai et le 7 juin 2001, avec des résultats mitigés. La CIA conclut toutefois à la nécessité de développer le système, en dépit de ses contraintes d'utilisation. Un Predator est actionné par télécommande, à partir d'une station de contrôle au sol, mobilisant une cinquantaine de personnes. Avec une autonomie d'environ 700 km et une capacité de vol de 14 à 24 heures selon sa vitesse, son utilisation requiert l'accord d'un pays-hôte proche du théâtre d'opérations, et sa discrétion. Peu avant les attentats du 11 septembre 2001, la CIA avait été autorisée à organiser de nouvelles missions de Predator au-dessus de l'Afghanistan, à partir d'un pays voisin, a précisé George Tenet, sans le citer. Mais seuls des vols d'espionnage ont été autorisés, la nation concernée refusant l'utilisation d'avions armés de missiles à partir de son territoire. Les pires attentats de l'Histoire ont levé cette opposition, le 7 octobre 2001. «Le même jour, une première mission d'un Predator armé était menée» au-dessus de l'Afghanistan, a indiqué à la commission le directeur de la CIA. Depuis, le régime des taliban a été renversé et les Etats-Unis sont désormais présents militairement en Afghanistan, facilitant le recours aux Predator armés. Il leur est désormais plus facile de mener des opérations commando pour neutraliser leur ennemi, qu'il soit encore sur le sol afghan ou au Pakistan voisin. L'avenir des avions sans pilote armés de missiles semble assuré, comme en témoigne la demande faite dès 2003 aux Etats-Unis par le président pakistanais Pervez Musharraf de se faire livrer des Predator. La CIA reste par nature très discrète sur ses succès et échecs. En novembre 2002, le secrétaire adjoint à la Défense, Paul Wolfowitz, avait toutefois confirmé, à demi-mots, la réussite d'une attaque menée par un Predator le 3 novembre 2002 au Yémen. Six Yéménites, présumés membres d'Al-Qaîda, avaient alors été tués dans l'explosion de leur voiture, pulvérisée par un missile Hellfire.