La langue des chatteurs semble très médiocre et illogique. C'est que le chat exige une certaine instantanéité et un mode d?expression vivant. C'est à partir de ces nécessités qu'est née la cyberécriture, langage qui mélange le discours oral et écrit. Il est plein de codes et d?abréviations et repose sur des règles d?écriture qui permettent la transmission rapide du message. Pour ce qui est de la justesse du message transmis, il est évident que le médium écran/clavier ne peut exprimer tout ce que sous-entendent la voix et le regard. Toujours est-il que le premier objectif du langage des chateurs est d'assurer la compréhension du message dans son sens propre. Ainsi a-t-on créé la nétiquette, qui est un ensemble de conventions de bienséance régissant le comportement des internautes. Celle-ci spécifie, entre autres, que l?écriture en majuscules signifie que le locuteur hurle, mais un tel message pourrait être mal interprété. Les smileys Autres codes utilisés par les chatteurs : les binettes ou les smileys qu'on obtient grâce aux différents signes graphiques (tirets, parenthèses, points virgules, virgules, etc.). Ces codes ont l?apparence de petits bonshommes, tantôt joyeux, tantôt tristes. On les aperçoit en inclinant la tête sur la gauche. Un exemple : Allô Farida :-(indique que l?on est content de voir arriver cette utilisatrice), alors que Bye Farida :-(signifie que l?on est navré qu?elle quitte la discussion). L?idée de ces petits bonshommes est celle d?un Américain, Scott Falhman, en 1981. À l?origine, ses smileys devaient seulement servir à colorer les échanges internes entre les collègues du campus de l?Université Carnegie-Mellon. Aujourd?hui, il existe un grand nombre de binettes représentant des individus, mais aussi des animaux, des objets, des personnages populaires, etc. Une langue avec peu de mots Pour avoir un rendement plus efficace et plus rapide, les utilisateurs du chat emploient des mots qu?ils dénudent. Ils abrègent les termes de façon à raccourcir le temps d?écriture et à accélérer le temps de transmission du message. La technique la plus connue est l?élimination des voyelles. On écrira, par exemple, slt pour salut. Les chateurs ont, en outre, pris l?habitude d?éliminer les apostrophes et les accents. Tout cela fait de la cyberécriture un langage situé à la limite entre «la réduction qui permet d?accélérer la vitesse de frappe au clavier et le niveau en deçà duquel [elle] deviendrait incompréhensible pour les destinataires». Beaucoup de fautes Ajoutons à cela que de nombreuses inversions ou fautes de frappe apparaissent dans les discussions. Il y a aussi des fautes de français et, en chatant, comme on le fait souvent à l?oral, il n?est pas question de se corriger car on n'a pas le temps. Les contraintes physiques semblent expliquer à elles seules l?élaboration de la cyberécriture. Par exemple, le nombre de chateurs présents dans un même cyberespace influence le rythme de la discussion : une sorte de compétition s?installe pour capter l?attention des autres. Il faut alors savoir répondre rapidement aux questions et aux commentaires ! S'exprimer dans la même langue Les rencontres entre gens de différentes nationalités sur le Net sont possibles, même fréquentes. Une seule condition : ils doivent s?exprimer dans la même langue. Ainsi, les francophones ont l?habitude de se regrouper dans les mêmes canaux, et il en va ainsi des germanophones, des anglophones, etc. Ensuite, ces mêmes communautés linguistiques se subdivisent en sous-groupes correspondant à leur situation géographique (par exemple, Québec, France, Algérie). Le «jargon du Net» D'une façon générale, le «jargon du Net» est compris et utilisé par la majorité des locuteurs d?une même langue. Ainsi, ASV signifiera toujours, pour les francophones, Age ? Sexe ? Ville ? On ne peut donc pas vraiment parler d?un langage totalement universel, mais on remarque que les codes ou les abréviations se construisent partout grâce aux mêmes techniques. À titre d?exemple, l?abréviation anglaise LOL (Laughing out loud) trouve son équivalent français en MDR (Mort de rire). En fin de compte, le langage des chateurs n'est pas si médiocre et illogique qu?il ne semble. Il est un phénomène langagier des plus passionnants. Plusieurs personnes, dont les jeunes, l?exploitent habilement ; d?autres n?y comprennent pas toujours grand-chose?