Résumé de la 2e partie n John Cavendish invite Hastings à passer quelques jours dans sa maison de campagne à Styles Court... Je vais à l'exercice deux fois par semaine avec les volontaires, et je prête la main aux fermiers. Ma femme travaille régulièrement la terre. Elle se lève à cinq heures tous les matins pour traire les vaches, et ne s'arrête pas un instant jusqu'à l'heure du déjeuner. Mais, somme toute, ce serait une vie très supportable, s'il n'y avait pas ce misérable, Alfred Inglethorp. Il freina brusquement et jeta un regard sur sa montre. — Je me demande si nous avons le temps de passer prendre Cynthia ? Non. Elle a dû déjà quitter l'hôpital. — Cynthia ? Ce n'est pas votre femme ? — Non. Cynthia est une protégée de ma mère. La fille d'une de ses anciennes compagnes de pension, qui avait épousé un avocat véreux. Il fit faillite et sa fille resta orpheline et sans le sou. Ma mère est venue à son secours et voici bientôt deux ans que Cynthia vit chez nous. Elle travaille à l'hôpital de la Croix-Rouge de Tadminster, à environ dix kilomètres d'ici. Tandis qu'il prononçait ces paroles, nous nous arrêtâmes devant l'entrée de la belle vieille demeure. A notre approche, une dame vêtue d'un solide complet de tweed et penchée sur une corbeille de fleurs se redressa brusquement. — Hello, Evie, voici notre héroïque blessé : Mr Hastings, Mlle Howard. Miss Howard me donna une poignée de main énergique, presque pénible. J'eus l'impression d'yeux très bleus dans un visage très hâlé. C'était une femme d'environ quarante ans, d'aspect agréable ; elle avait une voix profonde, aux accents de stentor presque masculins, et un corps carré aux pieds énormes, chaussés de grosses bottines usagées. Je découvris bientôt qu'elle s'exprimait dans le style télégraphique. — Mauvaises herbes poussent comme du chiendent. Impossible les enrayer. Vous m'aiderez. Faites attention. — Je vous assure que je serai ravi de me rendre utile, répondis-je. — Dites pas cela. C'est imprudent. Vous le regretterez plus tard ! — Quelle pessimiste vous faites, Evie, dit John en riant. Où prend-on le thé aujourd'hui ? Dedans ou dehors ? — Dehors. Il fait trop beau pour s'enfermer. — Alors, venez. Vous avez assez jardiné pour aujourd'hui. Le laboureur est digne de son salaire. Venez vous restaurer. — Eh bien, dit Miss Howard, en enlevant ses gants de jardinage, je partage presque votre avis. Elle nous précéda et, contournant la maison, se dirigea vers l'endroit où le goûter était servi, à l'ombre d'un grand sycomore. A notre approche, une jeune femme se leva d'un des fauteuils en osier et fit quelques pas au-devant de nous. — Ma femme, Hastings, dit John. Je n'oublierai jamais cette première vision de Mary Cavendish. Sa longue et mince silhouette se dessinait contre la vive clarté : l'éclat amorti d'un feu couvant sous la cendre rayonnait dans ses beaux yeux fauves ; elle dégageait une intense tranquillité qui pourtant éveillait l'idée d'un esprit sauvage et indomptable, dans un corps exquisement civilisé. (A suivre...)