Attente n L'organisation des élections libres et le passage à un pouvoir civil constituent la principale revendication des Egyptiens. Des milliers de manifestants sont revenus hier sur la Place Tahrir du Caire pour accuser l'armée de gérer le pays de manière opaque et de perpétuer le dispositif répressif du passé, à deux mois des législatives aux modalités contestées. Plus de neuf mois après la chute du président Hosni Moubarak le 11 février, les manifestants ont retrouvé cette place emblématique de la révolte du début de l'année, restée depuis le site privilégié des rassemblements politiques. «Nous ne voyons aucun changement. Nous avons fait partir le général Moubarak mais nous avons gagné un maréchal», pouvait-on lire sur une pancarte, en référence au maréchal Hussein Tantaoui, chef du Conseil suprême des forces armées (CSFA) et premier personnage de fait du nouveau pouvoir. Certains manifestants brandissaient des photos montrant M. Moubarak en compagnie du maréchal Tantaoui, qui a été son ministre de la Défense pendant vingt ans. A la tribune, plusieurs orateurs ont annoncé leur intention de rester sur la place jusqu'à ce que leurs revendications soient entendues, mais la plupart des organisateurs ne se sont pas associés à cette occupation. Environ 300 manifestants ont pris la direction du ministère de la Défense mais l'armée a déployé des troupes et les a empêchés d'atteindre le bâtiment, selon un responsable de la sécurité. Quelques dizaines d'entre eux ont tenté de s'y rendre en métro mais ils ont été bloqués par la police militaire. Les manifestants dénonçaient en particulier la récente extension du champ d'application de la loi sur l'état d'urgence, pilier du système répressif du temps de M. Moubarak. Ils réclamaient également l'arrêt des milliers de procès de civils en cours devant des tribunaux militaires. Les critiques portaient aussi sur le flou du calendrier de retour à un pouvoir civil, promis par les militaires à l'issue d'une élection présidentielle dont la date précise n'est toujours pas connue. Les modalités des législatives prévues à partir du 28 novembre sont elles aussi fortement critiquées dans la classe politique et par les mouvements issus du soulèvement du début de l'année. Une clause réservant un tiers des sièges à des candidats sans affiliation politique alimente la crainte de voir d'anciens élus proches du régime Moubarak, dont le parti a été dissous mais dont les réseaux locaux sont encore puissants, refaire surface en se présentant comme «indépendants». La «coalition démocratique», une alliance électorale regroupant le parti du puissant mouvement des Frères musulmans et une trentaine de formations de toutes obédiences, y compris laïques, menace de boycotter ces législatives si cette disposition n'est pas retirée.