Vision - La perception que se font les Américains de l'Algérie est erronée, travestie, stéréotypée, parfois annihilatrice. Lors d'une rencontre ayant pour thème «Qu'est-ce que la littérature algérienne francophone aux Etats-Unis ?», animée jeudi au centre d'études diocésain, Alexandra Gueydan-Turek, diplômée de l'université de Yale et professeur de lettres au Swarthmore College (USA), spécialisée dans la littérature maghrébine et la littérature migrante d'expression française, a jeté un véritable pavé dans la mare à propos de l'attitude des éditeurs américains à l'égard de la littérature algérienne. Elle a fait savoir que «la traduction des œuvres littéraires d'auteurs algériens d'expression française demeure très rare aux Etats-Unis». «Le travail de traduction se fait selon des mécanismes et dispositifs de filtrage mis par les maisons d'édition pour des considérations commerciales», a-t-elle déclaré. Elle a, en outre, fait remarquer que «le choix des œuvres à traduire se faisait selon un contrôle visible de la part des éditeurs». Elle a expliqué que «la plupart des romans traduits aux Etats-Unis sont ceux qui abordent des thèmes en rapport avec le terrorisme, l'islamisme et tout ce qui a trait à la politique». Pour elle, ce choix est lié à des considérations commerciales. «C'est pour mieux vendre», regrette-t-elle, et de préciser : «Il y a une arrière-pensée dans ce choix. Car l'intention première est la création d'une polémique sur tout ce qui provenait de l'Algérie», sachant que tout ce qui est polémique fait vendre. «Les éditeurs américains exercent un contrôle visible pour la sélection des œuvres à traduire» souligne-t-elle. Par ailleurs, Alexandra Gueydan-Turek, qui déplorera la faible présence de la littérature algérienne sur le marché international de la traduction, regrette, dans un autre sens, que «les couvertures des livres traduits soient souvent illustrées d'images, qui, elles, ne sont pas forcément fidèles aux textes». «L'illustration des couvertures est littéralement réductrice, souvent stéréotypée, elle ramène l'Algérie, et ce, aux yeux des étudiants américains qui n'ont pas une connaissance directe et objective de l'Algérie, à une image d'exotisme», voire à une vision simpliste. «Même les préfaces, ou encore les avertissements contenus dans ces livres, sont modifiés et rédigés par des historiens, alors que ce travail incombe aux hommes de lettres ou aux universitaires spécialisés.» Ainsi, la perception que se font les Américains de l'Algérie est erronée, travestie, stéréotypée, parfois annihilatrice. C'est un regard purement réducteur porté sur l'Algérie. Alexandra Gueydan-Turek, qui a cité des exemples d'auteurs algériens traduits aux Etats-Unis, à savoir Kateb Yacine, Mouloud Feraoun, Rachid Mimouni, Assia Djebar, Malika Mokeddem, Tahar Djaout, Boualem Sansal et Yasmina Khadra, a, ensuite, expliqué que la littérature algérienne d'expression française est enseignée suivant une méthodologie visant à recadrer les éditions, dont la présentation donne une idée complètement faussée de la littérature algérienne. Alexandra Gueydan-Turek est l'auteure de nombreux articles sur la littérature algérienne d'expression française, sur Mouloud Mammeri (La Traversée), sur Assia Djebar (Le Blanc de l'Algérie) ou encore sur Leïla Sebbar.