Performance - Le mythe d'Orphée a été revisité, jeudi, à la salle El-Mougar par la compagnie italienne CRTscenaMadre et ce, à travers une performance chorégraphique intitulée ‘Orphéus'. Cette nouvelle écriture du mythe d'Orphée – ainsi que sa mise en scène – a été assurée par Daniela Giordano. Ce spectacle de danse allie, d'une façon sublime et cohérente, effets visuels et sonores. L'artiste explore, à travers sa chorégraphie, un langage qui se veut pluriel, c'est-à-dire fait habilement, voire dans un style imaginatif. La synthèse de tous les éléments scéniques, à savoir théâtre, danse, s'ajoutent à la poésie, au chant ainsi qu'à la musique. L'originalité de la pièce réside dans cette manière avec laquelle le mythe a été revisité dans un style contemporain. Outre son souffle nouveau, le spectacle se construit autour de l'africanité. Autrement dit, la chorégraphie prend forme dans un environnement contemporain et africain. Elle évolue aux rythmes de sonorités authentiquement africaines ; celles-ci sont orchestrées par le djembé et la kora, deux instruments propres à l'imaginaire musical africain. Ainsi, le mythe d'Orphée change de réalité géographique. Ce n'est plus la Grèce qui est racontée à travers cette légende millénaire, mais l'Afrique, berceau de l'Humanité, lieu de l'universalité. Au fil du jeu chorégraphique, corps et esprit se mêlent jusqu'à n'en faire qu'un. L'on assiste à la fusion, parfois passionnelle de ces deux entités, l'une palpable, l'autre immatérielle. Le jeu est traversé par des tableaux chorégraphiques. Il est aussi accompagné de musique : les deux instrumentistes (sénégalais) Ismaïla Mbaye au djembé et Djibril Gningue à la kora et au chant ont illustré, grâce à leurs instruments, chacune des peintures (chorégraphiques) présentée au public. Le son qui se dégageait du djembé ou de la kora ponctuait chaque mouvement exécuté par Daniela Giordano (dans le rôle de Yamé, l'épouse africaine d'Orphée) et de Jean Ndjaye (dans celui d'Orphée), il l'accompagnait. Comme dans le mythe, le personnage cherche sa bien-aimée – la quête est menée tout au long de la pièce – en même temps qu'il se cherche. Il s'agit de la quête de la maturité et de l'amour. En guise de décor, un simple losange en tissu blanc, accroché en arrière-plan de la scène. Il indique la frontière séparant le monde des vivants, celui d'Orphée, du territoire des morts qui garde captive Yamé, laissant le reste de l'espace scénique ouvert et vacant pour permettre aux interprètes d'évoluer et de s'exprimer librement. Notons que la version africaine d'Orphée tourne autour de la différence entre Blancs et Noirs et qu'elle met l'accent sur l'altérité. Si dans la mythologie grecque, Orphée perd sa bien-aimée, dans la version contemporaine, les deux êtres finissent par se retrouver pour rester ensemble. Orphée est un héros légendaire de la mythologie grecque. Fils du roi Thrace Oeagre et de la muse Calliope, il aurait reçu du dieu Apollon une lyre à sept cordes à laquelle il aurait ajouté deux cordes en hommage aux neuf Muses. La mythologie le représente comme un aède, c'est-à-dire un poète qui savait, par les accents de sa lyre, charmer les animaux sauvages et émouvoir les êtres inanimés. Il incarne le pouvoir ensorcelant du chant et de la poésie. La mythologie raconte aussi qu'il épouse Eurydice (une dryade), mais celle-ci a été mordue au mollet par un serpent le jour de leur mariage. Orphée décide alors de descendre aux enfers pour faire fléchir Hadès (dieu des morts et des enfers). La légende dit que, après avoir endormi Cerbère, le monstrueux chien à trois têtes qui garde l'entrée des enfers, et les terribles Euménides et ce, grâce à sa musique, Orphée charme Hadès pour que celui-ci libère Eurydice et la ramène parmi les vivants. Hadès accepte et le laisse donc repartir avec Eurydice à condition cependant qu'il ne se retourne pas et ne lui parle pas tant qu'ils n'auraient pas regagné tous les deux le monde des vivants. Il se trouve qu'au moment où ils allaient sortir des Enfers, Orphée ne peut s'empêcher de se retourner vers Eurydice et ainsi la perd à jamais. Orphée, inconsolable, meurt. De nombreuses versions circulent sur sa mort. Mais la plus courante est que les Bacchantes ou Ménades éprouvant un vif dépit de le voir rester fidèle à Eurydice, le déchiquettent. Sa tête, jetée dans le fleuve Hébros, vint se déposer sur les rivages de l'île de Lesbos, terre de la Poésie. Les Muses, éplorées, recueillent les membres pour les enterrer au pied du mont Olympe. On prétendait même que sa tête continuait parfois à chanter dans son tombeau, ce qui est le signe de la survie posthume du poète par son chant.