Errance D.Z. ? initiales de l?Algérie (I) ? ne sait plus s?il vit, s?il existe, s?il a le droit à un avenir. Le personnage nage dans un océan de solitude. Les éditions Barzakh, en partenariat avec l?association culturelle Chrysalide, a organisé, à la salle Frantz-Fanon (Riad el-Feth), une rencontre littéraire autour du livre Je fais comme fait dans la mer le nageur, de Sadek Aïssat. Le roman retrace l?itinéraire, voire l?errance du narrateur, D. Z., dans la banlieue parisienne, froide et hostile. C?est l?histoire d?un personnage anonyme, dont on ne sait pas grand-chose, sinon qu?il a perdu son père, qu?il est tombé amoureux de Sien et qu?il cherche son ami. «D.Z.» peut être n?importe qui ; «ça peut être aussi l?Algérie», dit l?écrivain, en raison des initiales. Le récit s?inscrit donc dans un contexte français, mais qui reste authentiquement algérien, habité par l?esprit algérien. Sur son expérience d?écrivain, il dit : «L?écriture est une pulsion. Je suis allé en France en 1991, à la veille des événements tragiques. Plus tard, je ressentais les répliques du «séisme» qui frappait le pays, et c?est là qu?a commencé mon expérience d?écriture.» Et d?ajouter : «Je n?ai pas un travail de construction, d?une recherche dans la forme, mon roman est une sensation, c?est venu comme ça.» «J?écris comme un peintre, c?est-à-dire par touches, pas de schéma ni un jeu de forme.» Sadek Aïssat s?est investi dans l?écriture parce qu?il avait «le sentiment que l?Algérie est une ogresse et qui avalait les Algériens.» «L?écriture m?avait permis de régler certaines choses du point de vue intellectuel», confie-t-il. Le livre comporte au début de l?histoire une scène particulière, une scène qui, forte et saisissante, accroche l?attention du lecteur, le fait interroger sur sa signification. C?est l?instant où le narrateur, D.Z., saisi par un élan instinctif, déchire son passeport et sa carte de séjour. Son acte relève-t-il de l?inconscience, de l?indifférence, ou encore de la lucidité ? «La lucidité est quelque chose d?extraordinaire, de douloureux, de plus inconfortable, contrairement à l?inconscience», déclare l?écrivain. C?est parce que le narrateur souffrait énormément, «il souffrait, selon l?écrivain, d?être Algérien», qu?il a décidé de déchirer ses papiers, de mettre en lambeaux ce qui lui sert de référence identitaire. «Être Algérien, c?est une douleur très forte», précise l?écrivain, en raison de ce qui se passait pendant la décennie noire. D.Z. ne veut plus exister, il disparaît, il meurt? Il n?existe que par rapport à soi, ou à travers les rapports qu?il entretient avec autrui, seulement à travers l?instant présent et le trou où il se trouve. D.Z. devient une entité anonyme, voire inexistante, il devient «un clochard ; ce sentiment de ne rien posséder ou de rien avoir à défendre entre dans le concept de liberté», souligne le romancier. Il y a, en effet, une quête de liberté, mais aussi une recherche d?une humanité perdue. Sa quête est une traversée, longue et sans fin. Et au même moment où il se met en quête de ce qui peut le délivrer, l?empêcher de dériver, «D.Z. est obligé de nager pour survivre, sans être certain d?atteindre le rivage», dit-il. Il nage dans la solitude et l?indifférence, dans le froid et dans l?humidité, il nage à contre-courant jusqu?à l?épuisement. Le roman, Je fais comme fait dans la mer le nageur, est une écriture de la douleur. Il comporte de l?humour et de la compassion, de l?émotion et de l?indifférence. Il y a le sentiment de la culpabilité et du regret. Il y a une recherche de rédemption et de réhabilitation? Le roman est aussi un chant triste de l?exil.