«C'est uniquement pour faire du bien ‘'el khir'', que je suis ici en train de faire la queue pour acheter du gaz pour mes voisins», nous dit Abdelkader, un quinquagénaire de Hay Chlala, qui nous montre la liste de ses 32 voisins auxquels il acheminera à bord de sa 404 bâchée, 40 bonbonnes de gaz. Cet homme était là depuis 3 jours. En l'absence d'un chauffage dans son véhicule, il se réchauffait, avec tout ce que cela comporte comme risques, avec une petite bonbonne de gaz qui lui a assuré un peu de chaleur pendant deux nuits. «Combien prenez-vous sur la bonbonne ?», lui avons-nous demandé «Rien. Je prends uniquement 50 ou 100 DA pour mon essence», a-t-il répondu. L'acte solidaire de Abdelkader est quand même payant car un petit calcul fait ressortir qu'il gagne entre 3 500 et 4 000 DA/jour ! Se trouvant à 10 km du chef-lieu de la wilaya, Hay Chlala souffre de la pénurie de gaz selon beaucoup de citoyens qui y habitent. «Cela fait deux jours que nous sommes sans gaz donc la famille se réchauffe avec du bois», nous a dit un jeune ouvrier qui s'est absenté de son travail. Et d'ajouter devant une queue de plus de 900 m, formée uniquement de véhicules et une autre, en parallèle, de piétons, «j'ai ramené deux bouteilles pour moi et le reste est pour mes voisins qui n'ont pas pu se déplacer faute de moyens et ne pouvant laisser leurs enfants en bas âge seuls.» Un autre du même quartier nous assure que les voisins leur font confiance. «Nous avons cette entraide entre nous les douars et villages. Nous avons même dégagé des routes sans attendre les autorités.» Indigné, l'un d'eux se désole de ce que le poste de détente de gaz se trouve à 30 m de chez lui. «On ne peut pas se permettre de payer 46 millions pour l'installation.» Un jeune de 17 ans l'interrompt : «En revanche, nous, nous avons payé l'installation, mais à ce jour, aucune suite. Nous ne voulons rien. Le gaz de ville nous suffirait.» Il est 12h 30 : deux semi-remorques et quatre camions escortés par la Gendarmerie nationale se dirigent vers le dépôt de gaz.