Débat - Le colloque international en hommage à Mouloud Feraoun s'est ouvert, jeudi, à la Bibliothèque nationale du Hamma. Ce colloque auquel prennent part littéraires, sociologues et anthropologues a pour objectif de mettre en exergue la symbolique et les spécificités littéraires de l'écriture de Mouloud Feraoun. C'est ainsi que l'universitaire, Nadjet Khedda, a souligné, dans sa communication, «la nécessité d'une relecture des écritures de Mouloud Feraoun». Selon elle, «les premières lectures n'ont pas su relever les véritables dimensions de sa vision des choses». Elle a, en outre, soutenu que l'œuvre romanesque de l'écrivain a une profondeur et une portée universelle. «C'est une œuvre ouverte et à dimension universelle», a-t-elle affirmé, ajoutant : «Mouloud Feraoun fait dans ses ouvrages le récit de son propre vécu en tant qu'intellectuel et enseignant maîtrisant la langue de l'occupant mais partageant avec les Algériens les mêmes problèmes et mêmes soucis». Elle a, ensuite, a mis l'accent sur la symbolique de son écriture, notamment lorsqu'il utilisait dans ses écrits des termes à forte charge symbolique, habilement employés pour contrer le discours politique dominant et faire entendre ses idées. Si Mouloud Feraoun avait, pour l'universitaire Anne Roche «un langage complexe car émanant de son environnement socioculturel et décrivant sa réalité», le journaliste et professeur universitaire, Djouzi Lenzini, qui prépare une biographie de Mouloud Feraoun à paraître en 2013, a tenté de trouver des similitudes entre Feraoun et Albert Camus, prix Nobel de littérature. «Si les deux hommes étaient amis, leur amitié aurait été difficile», a-t-il indiqué, et de poursuivre : «En dépit de leur appartenance au même milieu social et les valeurs de sincérité et de lutte contre toute forme de violence qu'ils partageaient, Feraoun et Camus ont eu des divergences de vues concernant des questions importantes car l'un est resté dans son milieu social et l'autre est parti vivre à Paris. «Le spécialiste de la littérature algérienne et professeur à l'université de Lille (France), Ahmed Lanasri, est revenu, dans son intervention, sur l'histoire de la littérature algérienne de langue française. «La littérature algérienne d'expression française prend son départ du roman de Mouloud Feraoun Le fils du pauvre», et d'abonder : «En fait, le premier roman algérien en langue française était plutôt ‘'Ahmed ben Mostafa, goumier'' de Mohamed Benchérif, édité en 1920 aux Editions Payot à Paris. Mais l'œuvre de Mouloud Feraoun, parue en 1950, reste le premier roman algérien en langue française de la littérature universelle, qui a aussi initié la littérature moderne algérienne. Et c'est à partir de ces bases que doit être établie l'histoire de la littérature algérienne». A signaler enfin que le colloque est organisé par le Centre national de recherche préhistorique anthropologique et historique. - L'appropriation de la langue française et l'ouverture sur la culture occidentale sont aussi des thèmes abordés au colloque. C'est alors que Satoshi Udo, chercheur à la société japonaise pour la promotion des sciences, a su établir une comparaison entre les auteurs japonais et algériens de formation occidentale qui ont institué une littérature nationale en langue étrangère. «La formation de Feraoun et son rapport humaniste ne devraient pas être perçus comme un besoin assimilationiste, ni considérés comme trahison, car au Japon, les auteurs de ce courant humaniste sont très respectés», a déclaré Satoshi Udo pour qui Mouloud Feraoun était un écrivain ouvert sur la culture occidentale, d'où la dimension universelle de l'écrivain. D'autres intervenants, à l'instar de l'universitaire Sabéha Benmansour, ont insisté sur l'attachement de Mouloud Feraoun à sa terre. «Les écrits de Mouloud Feraoun ont démontré que l'attachement à la patrie et à la cause nationale est resté intact et ce, au-delà de la langue d'expression de ces romanciers», ont-ils souligné, et de poursuivre : «Il était ancré dans l'Algérie profonde.» Le colloque organisé par le Centre national de recherche préhistorique, anthropologique et historique et ce, à l'occasion de la commémoration du cinquantième anniversaire de l'assassinat de Mouloud Feraoun par un commando de l'OAS (Organisation de l'armée secrète), opposée à l'indépendance de l'Algérie, à quelques jours du cessez-le-feu.