Héritage Transmis de père en fils, le métier de forgeron, en Kabylie, avait encore, dans un passé très proche, une place primordiale au sein de la société. La vie des forgerons de la région ? appartenant souvent à la famille Haddad ? était liée, d?abord, à la maréchalerie puis à la fabrication de matériel agricole. Si certains de ces forgerons se sont reconvertis avec le temps dans d?autres créneaux de la ferronnerie en s?adaptant à la modernité, d?autres, en revanche, sont restés fidèles à la forge traditionnelle. Ils continuent à battre le fer et le transforment en petit matériel utile à l?agriculture. Dans la vallée de la Soummam, ce sont les mêmes locaux des «Ihaddaden» qui sont légués de père en fils. On y entend, au passage, comme toujours, le son des marteaux sur l?enclume et les soufflets tirés à la main qui résonnent. Les maréchaux-ferrants sont aussi, comme jadis, des lieux de rendez-vous des paysans les jours de marché. On continue, même aujourd?hui, à ferrer des bêtes (âne, mulet, cheval), par la pose de fers fabriqués par ces artisans. Aujourd?hui, les quelques forgerons qui existent encore assistent à l?agonie de ce métier. Mohand-Akli Haddad, un forgeron de la région d?Akbou, qui tient ce métier de son père, nous dit : «Ce métier, malgré notre demande, n?est toujours pas dispensé comme formation dans les Cfpa.» Et d?ajouter : «Avec le temps, le métier de forgeron disparaîtra puisqu?il n?y a pas de relève». La relève, même si elle existait, ne suffirait pas puisque plusieurs de nos interlocuteurs relèvent la hausse du prix du coke indispensable pour la forge, passé de 2 500 DA le quintal à 5 000 DA soit le double. Cette hausse est intervenue, nous explique-t-on, depuis «la prise de participation à hauteur de 70% des Indiens sur le complexe d?El-Hadjar». Les nouveaux propriétaires de ce complexe ? qui faisait la fierté de l?Algérie au temps de la révolution industrielle ? ont «décidé unilatéralement l?augmentation des prix de tous les produits ferreux et du coke sans que personne réagisse». Les forgerons de la région sont, dans la plupart des cas, obligés de retransformer le coke local. De la répercussion de ces prix sur la profession, M. Haddad relève encore que «malgré cette hausse inexpliquée les artisans forgerons appliquent toujours les mêmes tarifs à leurs produits» puisque, souligne-t-il, «l?on ne peut augmenter les prix du moment qu?on travaille avec des paysans pauvres». Aujourd?hui, ces forgerons, au vu des prix exorbitants du coke, principale matière utilisée dans la forge, exhortent les pouvoirs publics à soutenir ce produit pour sauver le métier.