Projection - A l'initiative de l'Institut Cervantes, un cycle cinématographique espagnol portant sur le thème «Espace féminin, histoires au féminin» a été inauguré, hier, à la cinémathèque d'Alger. L'inauguration de ce cycle, consacré à la cinématographie faite par des cinéastes femmes, a été marquée par la projection du film Paisito (petit pays), de la réalisatrice Ana Diez. Ce long métrage (une fiction) revient sur une période de l'histoire de l'Uruguay, à savoir l'ère de la dictature militaire qui a sévi dans le pays dans les années 1970 et jusqu'à la moitié des années 1980. Cette dictature, qui sert de toile de fond pour traiter de la question de la mémoire, est abordée à travers le vécu croisé de Xavier, le fils d'un antifranquiste, qui a fui l'Espagne pour se retrouver, ironie de l'histoire, sous une autre dictature, et Rosana, la fille d'un militaire démocrate, père de famille modèle et tortionnaire de profession. Tous deux sont voisins et ont grandi dans les années 70 à Paisito (surnom donné par les Uruguayens à leur pays). Vingt ans plus tard, lors de leurs retrouvailles en Espagne, ils se remémorent leur enfance et font donc un long retour sur les événements qui y sont survenus. Ils essaient de comprendre leur histoire et de lui redonner un sens. La réalisatrice, Ana Diez, a expliqué à l'issue de la projection, que le scénario a été écrit par un étudiant uruguayen, et «ce qui m'a vraiment intéressé dans ce scénario et donc motivé à le réaliser, c'est son aspect historique, même s'il s'agissait d'une fiction», a-t-elle confié, et de poursuivre : «Le film aborde le problème de la mémoire. L'un, Xavier, va essayer de reconstituer et, du coup, restituer cette mémoire, tandis que l'autre, Rosana, va la refuser, car elle est la fille de celui qui torturait les révolutionnaires.» Ana Diez a tenu, en outre, à réitérer son intérêt pour le film. «Cette partie de l'histoire, à savoir la mémoire, m'intéresse, car le film pose la problématique de savoir de quelle manière on peut récupérer la mémoire», a-t-elle dit. Pour ce faire, il faut lire, s'informer, se documenter. Elle estime que la mémoire doit être récupérée et écrite sans en arracher une seule page. «Il faut lire, et lire ne peut signifier arracher la page, mais bien au contraire la tourner pour continuer à en écrire», a-t-elle fait savoir, et d'insister : «On peut l'aborder de différentes manières, selon l'expérience de chacun et suivant la réalité (sociale culturelle, historique ou politique) dans laquelle elle est ancrée.» Même si le film aborde la question de la mémoire et donc de sa quête, il n'en demeure pas moins qu'il n'apporte pas de réponse. Autrement dit, il faut reconnaître et accepter son passé. «Il faut essayer de comprendre les faits historiques, dépasser les différences et les différends, toutes les options existent pour reconstituer la mémoire et l'assumer.» Paisito est un film engagé, il nous interpelle et nous pousse à nous interroger sur la mémoire, c'est-à-dire quelle vision a-t-on de notre histoire et comment l'approcher, car la quête de la mémoire concerne tout le monde, toutes les sociétés et de tous temps. Il s'agit à la fois d'une réflexion et d'une préoccupation propre à l'individu, à l'homme. - Le film aborde la problématique de la mémoire à deux niveaux : il y a la mémoire collective, c'est-à-dire celle restituée par les historiens, et il y a la mémoire vécue différemment par les individus au cœur même des faits. A la question de savoir s'il n'était pas trop tôt pour reconstituer – ou écrire en film – l'histoire de la dictature militaire qu'a subie l'Uruguay, sachant d'emblée que les faits qui y sont survenus sont récents et encore vivaces dans la mémoire collective, Ana Diez répondra : «Je ne pense pas que ce soit trop tôt, et il n'est jamais trop tôt pour le faire. Je pense qu'il est temps de s'y arrêter, d'y réfléchir et d'écrire, sur une base de connaissances, cette histoire.» Notons qu'Ana Diez a dit avoir choisi dans son film le cas de l'Uruguay «parce qu'il a subi la dictature militaire sans grande médiatisation et pour montrer la réalité des régimes totalitaires en Amérique latine».«Les petites histoires ont donné lieu à la grande histoire, il faut donc commencer par considérer ces petites histoires», a-t-elle dit. Ainsi, la réalisatrice voit dans le cinéma «un bon outil d'appropriation et de vulgarisation de l'histoire», en citant l'exemple de l'Espagne où chaque année le franquisme inspire de nouvelles productions.Le principal intérêt du film, qui est attachant et qui n'échappe pas à un certain didactisme dans la description plus ou moins sommaire du contexte politique de l'époque, réside dans son parti pris de ne privilégier aucun point de vue. Le cycle «espace féminin, histoires au féminin» se poursuit jusqu'au 26 mars à la cinémathèque d'Alger avec la projection de trois autres œuvres de réalisatrices espagnoles dans le cadre des activités, en hommage à la femme, programmées par l'Institut Cervantès tout au long du mois de mars.