Archaïsme Après avoir adhéré au vaste mouvement pédagogique moderniste des années 1970, celui des méthodes actives, l?Algérie s?est repliée sur elle-même par souci, dit-on, d?authenticité. Curieusement, avec la généralisation de la langue arabe en tant que langue d?enseignement, à partir de 1981, l?école algérienne a adopté un dispositif pédagogique qui jure par son archaïsme. Pour lever toute équivoque, nous dirons que la langue arabe n?y est pour rien. L?observateur averti pourra constater ces archaïsmes le temps d?une journée passée dans une salle de classe. En quoi l?enseignant algérien s?est-il détaché du mouvement pédagogique mondial ? En restant figé sur la pratique traditionnelle, dépassée de nos jours, de l?enseignant magistral à des fins de transmission/stockage de notions codifiées, l?école algérienne cultive l?anachronisme et l?inadaptation par rapport aux besoins de l?élève d?aujourd?hui. Or, l?univers de ce dernier a changé : ses modes de vie, d?apprentissage et de communication se sont complètement transformés. L?ordinateur, la vidéo, l?internet, les magazines, la parabole sont devenus autant de sources d?information et d?écoles parallèles. Autant de stimulants et d?expériences. N?est-il pas triste de voir persister, en 2004, un modèle d?école fondé sur l?écoute passive du cours magistral, sur la mémorisation, sur la répétition ? N?est-ce pas qu?une telle école se trouve coupée de la réalité vécue par ses élèves ? Elle est loin de leur offrir, par ces archaïsmes, les possibilités voulues (et tant souhaitées par les parents) d?épanouissement individuel. Aucun moyen n?est disponible pour que puisse s?affirmer la riche personnalité de l?élève. Sur ce plan, les enfants des milieux socioculturels défavorisés sont lourdement pénalisés. Tout comme leurs camarades des classes aisées, ils doivent se plier à l?apprentissage passif de connaissances prédigérées présentées par leurs enseignants et les manuels. Excepté les deux récréations de dix minutes où ils s?entassent comme des sardines dans des cours exiguës, les élèves passent des heures entières (six heures en moyenne par jour) cloués à leurs pupitres. Et pour quelle torture ! A absorber passivement les paroles du maître, à exécuter des activités répétitives qui offrent peu de possibilités d?échange et d?expérience. L?écoute passive l?emporte sur l?action, sur la communication, sur la recherche en commun. Dans ce moule réducteur qui alimente le désarroi vient s?incruster un mode d?évaluation porteur de frustrations. N?est jugé bon élève que celui qui donne satisfaction aux épreuves de torture citées plus haut. Il lui est demandé de restituer fidèlement ce qu?il a été dit par son enseignant. Et ce dernier est lui-même soumis à un régime identique : respecter le programme et ne pas en sortir. Un maître souvent conscient de l?inutilité d?une telle école mais qui, faute de mieux, se contente du confort intellectuel qu?elle lui procure à travers la routine et le dogmatisme pédagogique qui lui font économiser ses forces. En Algérie, dans certaines disciplines scolaires, l?enseignant se servira de la même fiche pédagogique pendant plusieurs années (dans une même classe) sans déroger aux exigences du programme officiel. Celui-ci étant immuable, tout comme le manuel qui lui sert de support. Ce sont ces éléments nuisibles au vécu scolaire de nos enfants qui attendent d?être supprimés par les effets de la réforme en cours. Faut-il encore que le diagnostic soit accepté par les principaux artisans de la réforme, à savoir les enseignants.