Histoire - Les plus nantis parmi les visiteurs avaient leur propre «haouch» à l'année pour sauvegarder un minimum d'intimité en famille et éviter la promiscuité avec les voisins. A l'exception d'une élite qui pouvait se compter sur les doigts d'une main et qui pouvait par la même occasion se payer une cure à Vichy en France, les algériens moyens qui voulaient se payer les mêmes vacances thermales, mais le confort en moins, n'avaient d'autres possibilités que d'aller à Bouhanifia. Elle était, dans les années 50, la station la plus connue et la plus renommée en ce qui concerne la qualité de ses eaux. Mais à cette époque, les bains de ce petit bourg n'étaient pas ce qu'ils sont aujourd'hui. Le touriste était logé chez l'habitant qui lui louait une chambre et mettait sa cuisine à sa disposition. Les plus nantis parmi les visiteurs avaient leur propre «haouch» à l'année pour sauvegarder un minimum d'intimité en famille et éviter la promiscuité avec les voisins. Et les colons dans tout cela, comment étaient-ils logés ? Dans un superbe hôtel naturellement, le seul que l'administration française avait construit. Quels que soient ses moyens, un indigène ne pouvait pas se permettre d'y passer même une nuit. Il était strictement interdit aux Arabes. Un notable, qui était conseiller général à Alger (l'équivalent d'un député) et caïd de surcroît, a eu toutes les peines du monde pour héberger sa famille. Il a fallu les pressions du sous-préfet de Mascara et l'intervention de quelques «grands burnous» de la capitale pour qu'on l'autorise enfin à accéder à l'hôtel. Or, un jour, une citroën 15 cylindres escortée de deux motards de la garde mobile s'arrêta devant le perron de l'établissement et une vieille dame… en haïk et voilette en descendit. Et le plus troublant est que le chauffeur, un européen, lui portait les valises. Même cérémonial emprunt de respect et de considération au niveau de la réception et les employés n'avaient pas de mots assez gentils pour lui témoigner toute leur affection. Mais qui était cette Algérienne pour passer au-devant de tous les interdits et que l'on craignait apparemment ? D'où venait-elle et que représentait-elle ? Personne n'en saura rien mais, ce qui est sûr, c'est qu'elle avait une prise en charge totale et qu'elle était protégée par des policiers en civil, de jour comme de nuit. Elle ne parlait à personne, ne se liait d'amitié avec personne et le moindre de ses désirs était immédiatement exaucé. Même le personnel algérien n'a jamais pu percer le mystère de cette invitée surprise, lui qui la servait directement mais gardait ses distances. La vieille dame quittera l'hôtel un matin à l'aube sans que personne la voit, en toute discrétion. Selon certains contemporains au courant de toutes les magouilles des français, cette femme serait la petite-fille de l'Emir Khaled qui serait venue visiter le sol de ses ancêtres, voilà, expliquent-ils, pourquoi tous ces honneurs et toute cette protection à l'endroit d'une mémé qui leur faisait si peur.