Les locataires attendent toujours d'être relogés avant que leurs maisons ne s'écroulent. Au cœur de la ville de Bouira, des dizaines de familles habitent encore dans des maisons qui menacent écroulement. Une tournée dans les haouchs de l'ex centre-ville permet à tout visiteur de se rendre à l'évidence sur le degré de délabrement du quartier. À première vue, on dirait un village inhabité et abandonné depuis très longtemps. Ces habitations, construites depuis près d'un siècle, ne sont en réalité que l'ancien chef-lieu de wilaya où des familles, locatrices en majorité, vivent encore, et ce, depuis l'époque coloniale. Sous de tels toits subissant des infiltrations d'eau pluviale, et entre de tels murs suintant de tout côté et fissurés, ces familles passent des nuits blanches, notamment lors des intempéries, appréhendant chaque jour le risque que leurs bâtisses ne leur tombent sur la tête. Prenant leur mal en patience, les habitants ne rêvent que du jour où ils pourraient enfin finir avec cette misère en bénéficiant de logements décents pour quitter leurs taudis. Au haouch des Amar Khodja, sis à la rue Aissat Idir, B. Abdelaziz est un locataire de longue date. La maison où il vit, dans la promiscuité, avec sa femme et ses six enfants, se compose de deux chambres, mais sans fenêtres pour l'aération. Une petite pièce faisant office de cuisine et l'autre, plus spacieuse, sert à la fois de salon et de chambre à coucher pour tous les membres de la famille. «Nous souhaitons que les pouvoirs publics mettent fin à notre calvaire en nous relogeant. La situation devient de plus en plus invivable dans un pareil taudis de trois mètres carrés pour huit personnes», regrette Abdelaziz en décrivant les conditions dans lesquelles un de ses enfants se prépare pour passer cette année son baccalauréat. L'état vétuste du haouch inquiète tous les locataires, qui interpellent les autorités à agir au plus vite, car «laisser les gens habiter dans ces taudis, construits il y a plus d'un demi-siècle, c'est de la honte pour les responsables locaux, lesquels sont au courant de notre situation. Les services de la commune ne cessent pas de dépêcher des commissions pour recenser les familles. Mais de concret, rien à ce jour». Des opérations de recensement ont certes commencé depuis que les autorités locales avaient initié le programme de démolition et de rénovation de l'ancien centre urbain du chef-lieu de wilaya. Mais le projet peine à avancer, car l'administration locale bute sur des difficultés, notamment de recasement de toutes les familles locatrices du haouch, et surtout sur le problème des commerçants. Ces derniers ont initié plusieurs mouvements de protestation pour faire valoir leurs droits. Des habitants de quartiers de la ville ont également descendu dans la rue, l'année dernière, pour réclamer des logements. Pour éviter que la situation ne s'envenime davantage, les autorités locales ont argué que des logements sont disponibles à l'est de la ville, sur la route de Haizer. Mais les familles concernées ont hâte d'être relogées avant que leurs maisons ne s'écroulent. «Ils nous mènent en bateau ! Ces prétendues commissions ne sont que de la poudre aux yeux», tonne un autre habitant dont la maison se délabre sans cesse. Selon ces résidants, même avec la formule du logement social participatif (LSP), on ne peut pas en bénéficier si l'on n'a pas d'appui dans l'administration. Par ailleurs, les propriétaires des haouch ne veulent pas, de leur côté, céder ce qu'il leur revient de droit. L'un des héritiers du haouch Amar Khodja estime que «si les autorités veulent démolir, il faut d'abord qu'elles nous assurent le droit au logement». Un propriétaire d'un terrain indique, lui, qu'il ne peut céder sa parcelle en contrepartie d'un logement, comme cela aurait été proposé par les pouvoirs publics. Ceci dit, le problème du vieux bâti de la ville de Bouira persiste encore, dans la mesure où les deux parties n'arrivent pas à se mettre d'accord.